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Full text of "Gaspard Duiffoproucart et les luthiers lyonnais du XVIe siècle; étude historique, accompagnée de piáces justificatives et dun portrait en héliogravure"

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Date  Due 

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Llbrs'y  BurMu    Cat.  no.  1137 


GASPARD   DUIFFOPROUCART 

ET 

LES   LUTHIEPxS  LYONNAIS 

Vu    X\l»   siècle 


ÉTUDE    HISTORIQUE 

accompagné,  da  Pièces  justlficaUye.  et  d'un  Portrait  en  Mliojravars 


Da  même  auteur,  à  la,  même  librauùe  : 


Xes  Drames  musicaux  de  Richaud  ^^'AG^•ER  et  le  théathu  i>e  Bayueutit, 
I  voliinio  in-i3 3  l'r.  Ho 


1  yoi;.  —  Iiîip.  PiTUAT  Aîné,  A.  Rey  Successeur,  4,  rue  Gentil.  -<  ûCOT 


GASPARD  DUIFFOPROIICART 


LES    LUTHIERS   LYONNAIS 


Du    ILVl*    Siècle 


ÉTUDE    HISTORIQUE 

accompagnée  de  Pièces  justificatives  et  d'un  Portrait  en  héliogravure 


LE  D"^  HENRY  COUTAGNE 


DISCOURS    DE    RÉC1':PT10N 

lAcadémie  des  Sciences,  Belles-LeUrcs  et  Arts  de  Lyon 
prononcé  dans  la  séance  publique  ilu  21  mars  1893 


PARIS 

LIBRAIRIE     FISGHBACHER 

(Société  anonyme) 

33,      RUE     DE     SEINE,     33 

1893 

Tous    droits    réservés 


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GASPARD   DUllTOPROUCAllT 

ET 

LES  LUTHIERS  LYONNAIS 

Uu    XVIo    Siècle 

ÉTUDE    HISTORIQUE 

accompagnéË  de  Pièces  justificatives  et  d'un  Portrait  en  héliogravure 


Messieurs, 

Lorsque  M.  Emile  Guimet,  laissant  vide  parmi  vous  la 
place  à  laquelle  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'appeler, 
vous  a  demandé  d'échanger  contre  l'éméritat  son  titre  de 
membre  titulaire,  il  lui  en  a  certainement  coûté  de  relâcher 
les  liens  qui  l'attachaient  à  l'Académie.  Les  exigences  impo- 
sées par  l'évolution  de  sa  brillante  carrière,  et  surtout  le 
changement  de  résidence  exigé  pour  la  mise  en  valeui 
complète  de  l'établissement  de  Haut  Enseignement  auquel 
son  nom  restera  attaché,  ont  pu  seuls  lui  faire  inter- 
rompre la  collaboration  féconde  qu'il  apportait  depuis  de 
longues  années  à  vos  travaux.  Il  aimait  à  vous  offrir  les  pré- 
mices de  ses  études,  sentant  bien  à  quel  point  elles  avaient 
àbénéficier  du  caractère  encyclopédique  et  éclairé  de  l'Aca- 


6  LES  LUTHIERS  LYONNAIS  AU   XVI-=  SIÈCLE 

demie,  et,  soil  dans  des  intéressantes  communications,  soit 
dans  les  discussions  soulevées  par  ses  collègues,  il  vous  met- 
tait à  même  d'apprécier  les  ressources  d'une  intelligence 
ouverte  à  tous  les  sujets,  préparée  à  l'exploration  de  tous  les 
filons  des  connaissances  humaines. 

Ces  réflexions  se  sont  souvent  présentées  à  mon  esprit  au 
momentoùj'ambitionnais  l'honneur  de  m'asseoir  parmi  vous, 
et  ce  n'est  pas  sans  appréhension  que  je  comparais  les  titres 
de  mon  prédécesseur  avec  ceux  que  je  pouvais  faire  valoir. 
Mais  votre  bienveillance  est  venue  me  prouver  que  j'avais  eu 
raison  de  surmonter  mes  hésitations  premières,  et  s'est  plu 
certainement  à  exagérer  la  valeur  des  quelques  essais  musi- 
caux et  littéraires  par  lesquels  j'ai  parfois  cherché,  au  coin 
de  mon  foyer  solitaire,  une  diversion  à  l'étude  des  problèmes 
médico-légaux  dont  la  solution  constitue  le  fond  de  ma  vie 
professionnelle. 

Je  me  suis  promis  dès  ce  jour  de  vous  remercier  par 
l'hommage  d'un  travail  dont  le  sujet  eût  au  moins,  à  défaut 
du  mérite  de  l'exécution,  un  intérêt  inhérent  à  l'esprit  et  aux 
tendances  les  plus  intimes  de  l'Académie.  Certes  il  n'est  pas, 
dans  le  domaine  intellectuel  et  moral,  une  question  dont 
vous  vous  désintéressiez,  pas  une  seule  sur  laquelle  vous  ne 
puissiez  à  un  moment  donné  être  appelé  à  laisser  votre 
empreinte.  Mais  vos  origines,  vos  traditions,  votre  essence 
même  vous  portent  irrésistiblement  vers  tout  ce  qui  touche 
directement  à  notre  ville,  et  vous  invitent  à  mettre  en 
lumière,  dans  le  passé  et  dans  le  présent,  ses  institutions, 
ses  travaux  et  ses  citoyens  dignes  de  mémoire. 

Malgré  la  passion  tenace  avec  laquelle  l'histoire  de  Lyon 
a  été  de  tout  temps  fouillée  par  nos  concitoyens,  son  domaine 
offre  encore  bien  des  coins  inexplorés.  Le  chercheur  a  plus 
qu'à  glaner  avant  d'avoir  reconstitué  les  particularités  de 
notre  vie  passée,  dont  la  pénétration  est  si  souvent  rendue 


GASPARD   DL'II-'FOPROUCARD  y 

difficile  par  la  discrétion  mystérieuse  qui  paraît  avoir  tou- 
jours imprimé  son  cachet  à  nos  pensées  et  à  nos  actes. 
Ainsi,  nous  savons  bien  qu'à  la  Renaissance,  à  cette  époque 
peut-être  unique  par  l'intensité  du  mouvement  des  idées  et 
des  hommes,  le  rôle  de  Lyon  a  été  des  plus  considérables; 
mais,  même  pour  cette  époque  où  les  documents  ne  manquent 
pas,  a-t-on  suffisamment  fait  connaître  tous  les  modes  sui- 
vant lesquels  l'activité  de  nos  pères  s'est  exercée  ?  Ce  travail 
contient  implicitement  une  réponse  négative  à  la  question, 
car  il  vous  apporte,  sans  avoir  la  prétention  d'épuiser  la 
source  d'études  similaires,  un  chapitre  nouveau  dans  l'his- 
toire de  l'art,  celui  des  luthiers  lyonnais  du  xvi^  siècle. 


Le  violon  et  sa  famille  ont  conservé  et  vu  plutôt  grandir 
que  décroître  leur  importance  à  travers  les  phases  du  déve- 
loppement extraordinaire  que  la  musique  instrumentale  a 
pris  en  Europe  depuis  un  siècle.  Les  artistes  exécutants  ont 
eu  le  devoir  de  soumettre  à  des  études  et  à  des  investigations 
minutieuses  les  pièces  de  lutherie  qui  comptaient  pour  un 
facteur  non  négligeable  dans  leur  valeur  professionnelle,  et 
leur  engouement  justifié  pour  les  instruments  à  archet  des 
anciennes  écoles  a  même  gagné  les  simples  amateurs,  sou- 
vent séduits  moins  par  les  qualités  acoustiques  que  par  la 
grâce  de  la  forme  et  la  beauté  de  la  facture.  Comme  consé- 
quence naturelle,  on  devait  s'intéresser  à  la  personne  des 
auteurs  de  ces  objets  de  haute  curiosité,  et  chercher  à  rap- 
procher les  particularités  de  leurs  vies  de  celles  de  leurs 
œuvres.  Ainsi  s'explique-t-on  facilement  que  l'histoire  de  la 
lutherie  constitue  dans  la  musicographie  moderne  un  do- 
maine à  part,  d'une  richesse  bibliographique  peu  commune, 
et  dont  les  productions  semblent  se  succéder  à  intervalles 


8  LES  LUTHIERS  LYONNAIS  AU  XVI<:  SIÈCLE 

de  plus  en  plus  rapprochés  depuis  une  trentaine  d'années. 
Son  intérêt  a  même  franchi  les  limites  de  la  spécialité  artis- 
tique, et,  à  défaut  du  nom  des  chefs  de  toutes  les  écoles  de 
lutherie,  le  grand  public  a  appris  au  moins  ceux  de  la  glo- 
rieuse triade  crémonaise  :  Amati,  Stradivarius  et  Guarnerius, 

Pour  l'âge  d'or  de  la  lutherie,  c'est-à-dire  pour  le  xyii*^  et 
le  xviii^  siècles,  nous  possédons  des  documents  sinon  com- 
plets, du  moins  explicites,  et  pouvant  servir  de  base  à  des 
esquisses  historiques  d'une  valeur  réelle.  Mais  à  mesure  que 
nous  remontons  dans  le  xvi^  siècle,  les  incertitudes  augmen- 
tent, le  terrain  se  dérobe  sous  nos  pieds.  La  vie  même  de  la 
première  génération  des  Amati  manque  à  l'heure  actuelle 
des  points  de  repère  les  plus  élémentaires;  les  artistes  des 
vieilles  écoles  de  Mantoue  et  de  Brescia  sortent  à  peine  de  la 
légende,  et  depuis  1891  seulement  nous  connaissons  le  nom 
patronymique  et  les  principales  dates  biographiques  du  plus 
célèbre  d'entre  eux,  Gaspar  da  Salô*. 

Or,  à  cette  époque  capitale  pour  l'évolution  artistique  en 
général,  et  qui  emprunte  à  l'invention  ou  plutôt  à  la  consta- 
tation précise  du  violon  une  importance  spéciale  pour  la 
musique  instrumentale,  nous  trouvons  signalé  par  tous  les 
auteurs  un  luthier  de  premier  ordre  établi  à  Lyon.  Il  se 
présente  à  nous  comme  un  personnage  à  la  fois  important  et 
mystérieux  :  important  de  par  le  portrait  dû  à  un  graveur 
de  marque  qui  a  transmis  ses  traits  à  la  postérité,  et  la  fac- 
ture originale  des  instruments  dont  on  lui  attribue  la  signa- 
ture; mystérieux  de  par  l'obscurité  qui  entoure  sa  vie 
jusqu'à  nous,  malgré  la  précision  apparente  des  détails  de 
certaines  de  ses  biographies.  La  forme  même  de  son  nom 
reste   jusqu'à  un   certain   point    discutée.    Les   Allemands 


*  G.  Livi  (Naova  anlhologia^  16  août  1891)  a  découvert  qu'il  s'appe- 
lait Bertolotti,  était  né  en  i542  et  mort  en  1609. 


GASPARD  DUIFFOPROUCART  g 

l'appellent  Gaspard  TiefFenbrûcker.  Permettez-moi  d'adop- 
ter, en  me  basant  sur  une  preuve  solide  qui  sera  fournie 
plus  loin,  l'orthographe  légèrement  modifiée  de  l'inscription 
de  son  porLrait,  et  d'entrer  sans  plus  tarder  dans  l'exposé  du 
curieux  historique  de  la  vie  de  Gaspard  DuifFoproucart. 


En  1812,  un  écrivain  dont  l'érudition  consciencieuse  est 
restée  célèbre,  Ernst  Ludwig  Gerber,  insérait,  dans  la 
deuxième  édition  de  son  Dictionnaire  biographique  des 
musiciens,  un  article  de  quelques  lignes  sur  le  luthier 
Gaspar  Duiffoprugcar,  dont  le  nom  ne  figurait  pas  dans  sa 
première  édition  datée  de  1790.  Il  se  borne  à  dire  qu'il  est 
né  en  i5i4,  que  ce  renseignement  est  le  seul  qu'on  pos- 
sède sur  sa  vie,  mais  qu'on  doit  présumer  qu'il  avait  été  un 
maître  éminent  d'après  un  portrait  fait  dans  sa  quarante- 
huitième  année,  dont  la  description  est  donnée  sur  les 
indications  d'un  amateur  nommé  le  major  von  Wagner  ^ 

Cet  article  discret  fait  le  contraste  le  plus  frappant  avec 
celui,  signé  Roquefort,  que  publiait  sur  le  même  artiste  et 
dans  la  même  année  la  Biographie  universelle  ancienne  et 
moderne^  recueil  plus  connu  depuis  sous  le  nom  de  Biographie 
Michaud.  L'auteur,  dans  lequel  il  est  facile  de  reconnaître 
l'inspirateur  des  lignes  consacrées  deux  ans  auparavant  à 
notre  luthier  par  Choron  et  Fayolle  ^,  nous  apprend  ce  qui 
suit  : 

Gaspard  Duiffoprugcar  est  né  dans  le  Tyrol  italien  vers 
la  fin  du  xv^  siècle  ;  il  a  voyagé  en  Allemagne,  puis  en  Italie . 

^  Neues  historisch- hiocjraphisches  Lexikon  der  Tonkiinstler^  t.  I, 
p.  960;  Leipzig,  1812. 

~  Dictionnaire  historique  des  musiciens,  t.  I,  p.  i35  ;  Paris,  1810 


10  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVI'    SIECLE 

et  s'est  fixé  à  Bologne  au  commencement  du  xvi^  siècle. 
Lorque  le  roi  François  I*^'"  se  rendit  en  i5i5  dans  cette  ville 
pour  établir  le  concordat  avec  le  pape  Léon  X,  il  enrôla 
DuifFoprugcar  parmi  les  artistes  qu'il  voulait  emmener  en 
France,  et  l'installa  à  Paris  pour  y  fabriquer  les  instruments 
à  archet  de  sa  Chapelle  royale.  Mais  notre  artiste,  incom- 
modé par  le  climat  froid  et  nébuleux  de  la  capitale,  demanda 
la  permission  de  se  retirer  à  Lyon  (!)  et  y  serait  mort  avant 
le  milieu  du  siècle.  L'article  donne  ensuite  des  détails  sur 
trois  instruments  de  ce  luthier  qui  auraient  appartenu  à 
l'auteur,  et  se  termine  par  la  description  du  portrait  signalé 
ci-dessus.  Disons-le  tout  de  suite,  ce  portrait,  dont  il  sera 
souvent  encore  question  dans  cette  étude,  est  une  œuvre 
authentique  du  graveur  lorrain,  Pierre  Wœiriot. 

On  chercherait  vainement  dans  cette  biographie  le  renvoi 
à  la  moindre  source  pour  les  détails  précis  qui  la  composent  : 
une  inscription  trouvée  sur  un  des  trois  instruments  en 
question  peut  seule  passer  pour  une  preuve  du  séjour  de 
Duiffoproucart  dans  notre  ville. 

Le  rôle  prépondérant  joué  dans  la  question  par  cette 
notice  nous  engage  à  verser  ici  au  débat  quelques  détails 
empruntés  à  Fétis  sur  son  auteur  *. 

Jean-Baptiste  -  Bonaventure  Roquefort- Flamericourt  est 
né  àMons,  d'une  famille  créole,  en  1777.  Par  suite  de  circon- 
stances qui  nous  sont  restées  inconnues,  il  a  fait  ses  études  au 
collège  delà  Trinité  de  Lyon,  devenu  depuis  le  lycée  Ampère. 
Puis  il  se  rendit  à  Paris,  où,  après  une  carrière  militaire 
assez  irrégulière,  il  se  livra  à  l'enseignement  du  solfège,  et, 
par  une  pente  naturelle,  à  la  littérature  musicale,  ce  qui 
l'amena  à  réunir  une  collection  importante  de  documents  et 

*  Biographie  universelle  des  musiciens,  vol. 7  ,  p.  807;  art.  Roque- 


GASPARD    DUIFFOPROUGART  I  i 

d'instruments  anciens.  En  i8o4,  il  s'associait  avec  Fétis  à 
ses  débuts  pour  la  rédaction  d'un  journal  spécial  qui  n'eut 
qu'une  existence  éphémère.  Peu  après  il  se  lançait  dans 
l'étude  de  la  langue  romane,  et  en  publiait  un  glossaire  assez 
prisé.  Mais  ses  ouvrages  et  les  articles  musicaux  qu'il  insé- 
rait dans  le  Moniteur  universel  et  dans  la  Biographie 
Michaud  ne  lui  assuraient  qu'une  existence  précaire.  Il  fut 
forcé  de  se  mettre  à  la  solde  de  certains  libraires,  vendit  tous 
les  matériaux  musicographiques  qu'il  avait  recueillis  dans  sa 
jeunesse,  et  mourut  en  i833,  «  épuisé  parle  travail  etl'intem- 
pérance   » . 

Nous  ne  croyons  pas  que  jamais  travail  historique  ait  été 
accueilli  avec  plus  de  faveur  et  moins  de  contrôle  que  la 
biographie  de  Duiffoproucartpar  Roquefort.  Rien  d'étonnant 
à  ce  que  Gastil-Blaze  s'en  soif  emparé  dans  la  brochure  insi- 
gnifiante qu'il  a  consacrée  à  la  Chapelle-musique  des  rois 
de  France*.  Mais  G.-B.  Bernhardt  l'admet  aussi  facilement 
dans  son  étude  consciencieuse  des  ménétriers  de  la  ville  de 
Paris,  où,  sauf  sur  ce  point,  il  ne  marche  qu'à  coup  sûr, 
étayant  ses  moindres  assertions  de  documents  authentiques 
et  de  textes  d'archives  ^.  Fétis,  plus  à  même  que  n'importe 
qui  de  concevoir  des  doutes  sur  la  valeur  de  son  ancien  col- 
laborateur, n'hésite  pourtant  pas  à  se  baser  sur  sa  notice, 
toutes  les  fois  que  le  nom  de  DuifFoproucart  revient  sous  sa 
plume  ^.  Désireux  seulement  de  tenir  compte  de  certaines 
indications    chronologiques    inscrites    sur    le    portrait    de 


*  Chapelle-musique  des  rois  de  France,  p.  54;  Paris,  i832. 

^  Recherches  sur  Vhisioire  de  la  corporation  des  ménétriers  ou 
joueurs  d' instruments  de  la  ville  de  Paris  (Bibliothèque  de  l'Ecole  des 
Chartes,  vol.  3  et  4,  i84i  à  i843). 

^  Antoine  Stradivari  et  recherches  sur  Vorigine  et  les  transformations 
des  instruments  à  archet,  p.  5o  et  5i,  i856.  —  Biographie  universelle 
des  musiciens,  vol.  3,  p.  74,  art.  Duiffoprugcar. 


12  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XV f    SIECLE 

Wœiriot,  il  suppose,  sans  y  insister  davantage,  que  le  modèle 
a  dû  vivre  jusqu'en  i562. 

Appuyée  sur  de  pareilles  autorités,  la  version  de  Roque- 
fort paraît  désormais  acquise  à  l'histoire.  Le  prince  Yous- 
soupow  *,  Sandyset  Forster^,  la  reproduisent  sans  commen- 
taires. Jules  Gallay^  croit  devoir  y  ajouter  quelques  détails  : 
il  nous  apprend,  mais  toujours  sans  preuves^  que  Duiffo- 
proucart  était  à  la  fois  peintre,  sculpteur  et  luthier,  et  qu'il  a 
surtout  fait  à  Lyon  des  ouvrages  de  marqueterie.  Parmi  les 
auteurs  de  cette  jDériode,  Hermann  Mendel  vient  seul  jeter 
une  note  discordante  en  reproduisant  dans  son  dictionnaire 
de  musique  l'article  de  son  devancier  Gerber  ;  mais  il  meurt 
avant  l'achèvement  de  cette  publication  importante,  et  son 
continuateur,  Reissmann  s'empresse,  dans  un  volume  sup- 
plémentaire daté  de  i883,  de  revenir  à  la  biographie  à  la 
mode''. 

Presque  à  la  même  époque,  paraissent  en  France  et  en 
Allemagne,  deux  publications  importantes  pour  l'histoire  de 
la  lutherie,  dues  l'une  à  Antoine  Vidal,  l'autre  à  Joseph 
Wilhelm  von  Wasielewski. 

Vidal,  dans  le  premier  volume  de  son  grand  ouvrage 
sur  les  Insfrumenls  à  archet^^^  reproduit  sur  Gaspard 
Duiflbproucart  la  version  courante,  mais  en  déclarant 
très  nettement  qu'elle  ne  repose  sur  aucune  preuve  ;  puis 
il  discute  la  gravure  de  Wœiriot,  mais  s'arrête  en  chemin, 


^  Luthomonoyraphie^  i856. 

^   The  hislory  of  the  violin,  Londres,  1864. 

^  Les  Luthiers  italiens  aux  xvii''  et  x\m'^  siècles,  1869.  —  Les 
Instruments  des  écoles  italiennes,  1872. 

^  Musihalisches  Conversations-Lexikon,  vol.  3,  p.  268,  1873.  — Id., 
supplément,  p.  83,  i883. 

^  Les  Instruments  à  archet,  t.  I^  p.  162-65,  1876.  —  Voir  aussi  du 
même  :  La  Lutherie  et  les  luthiers,  1889. 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  l3 

et  retombe  dans  rincerLitude  sous  le  joug  de  l'autorité  de 
ses  devanciers. 

Peu  d'ouvrages  jouissent  de  plus  d'autorité  en  la  matière 
que  celui  que  Wasielewski  a  publié  en  1874  et  dont  il  adonné 
une  deuxième  édition  en  i883  *.  Si  nous  consultons  cette 
dernière,  nous  y  trouverons  signalée  l'existence  de  deux 
luthiers  du  nom  de  DuifFoprugcar  répondant  aux  prénoms 
de  Gaspard  et  d'Uldrich,  ayant  vécu  à  Bologne  au  commen- 
cement du  xvi^  siècle,  et  dont  le  premier  y  a  été  l'objet  des 
faveurs  du  roi  François  P^  dans  les  conditions  que  nous 
connaissons  déjà.  Comme  source  de  cette  variante  histo- 
rique, l'auteur  indique  le  traité  du  luth,  publié  en  1727,  par 
Ernst  Gottlieb  Baron  '  ;  mais  nous  y  avons  cherché  vaine- 
ment, en  particulier  dans  le  septième  chapitre  consacré  aux 
fabricants  célèbres  de  luths,  les  noms  de  Gaspard  et  d'Uldrich 
DuifFoprugcar  ou  Tieifeubriicker  :  on  n'y  rencontre  que  trois 
Tieffenbrûcker,  porUmt  des  prénoms  tout  différents,  artistes 
qui  n'ont  vécu  qu'à  la  fin  du  xvi^  siècle  et  sur  lesquels  nous 
reviendrons  plus  loin. 

Wasielev^ski  discute  ensuite  l'opinion  de  Gerber,  prête  à 
son  devancier  l'assertion  toute  gratuite  que  l'année  1 562  où 
Wœiriot  a  gravé  son  portrait  est  celle  de  la  mort  du  modèle, 
et  se  contente,  pour  réfuter  la  fixation  de  la  naissance  de 
DuifFoproucart  à  l'année  i5i4,  de  déclarer  que  cette  date  est 
inconciliable  avec  l'engagement  du  luthier  par  François  l^^. 
De  plus,  il  imagine  de  commenter  les  réserves  de  Vidal  en 
lui  faisant  dire  que  DuifFoproucart  avait  quarante-huit  ans 
en  i5i5  et,  par  conséquent,  serait  né  en  1469-  Enfin,  ne 
quittons  pas  cet  auteur  sans  mentionner  qu'il  adopte  pour 


*  Die  Violine  und  ihre  Meister,  Leipzig. 

^  Ilislorische  Iheoreiisch  und  practische  Untersuchung  des  Instru- 
ments des  Lauten,  Nuremberg,  1727. 


l4  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl'    SIÈCLE 

le  nom  de  notre  artiste  la  forme  allemande  de  Tieffenbrûcker, 
et  lui  donne  une  origine  bavaroise. 

Nous  apprenons  par  Richard  Rûhlmann  ^  que  le  procédé 
commode  consistant  à  prêter  à  ses  devanciers  des  assertions 
de  toutes  pièces  n'est  pas  spécial  sur  ce  sujet  à  Wasielewski, 
et  qu'un  musicographe  du  milieu  du  siècle,  Kiesewetter,  avait 
regardé  le  portrait  de  Duiffoproucart  comme  fait  à  Nuremberg 
d'après  la  notice  de  Gerber,  d'où  la  supposition  que  cette 
œuvre  est  la  copie  d'une  gravure  faite  cinquante  ou  soixante 
ans  auparavant,  du  vivant  du  modèle  (?).  Rûhlmann  se  con- 
tente de  ne  pas  admettre  cette  version  originale,  mais  se  garde 
bien  de  la  discuter  en  prenant  comme  point  de  repère  la  vie 
du  graveur,  dont  il  paraît  même  ignorer  le  nom. 

M.  Albert  Jacquot  a  eu  à  s'occuper  plusieurs  fois  de  notre 
luthier  et  de  son  portrait.  Dans  son  ouvrage  sur  les  musiciens 
lorrains*,  il  a  cherché  à  concilier  la  version  de  Roquefort 
avec  la  présence  de  Duiffoproucart  en  Lorraine  dans  la 
seconde  moitié  du  xvi^  siècle.  Mieux  éclairé  sans  doute  sur 
l'importance  de  la  phase  lyonnaise  de  la  vie  de  Wœiriot,  il 
a,  depuis  ^,  passé  sous  silence  cette  dernière  hypothèse  et 
déclaré,  sans  commentaires,  que  Duiffoproucart  avait  qua- 
rante-huit ans  en  i562. 

Arrêtons  ici  cette  revue  historique  en  nous  contentant  de 
signaler  des  redites  ou  des  variantes  insignifiantes  dans  les 
ouvrages  plus  récents  sur  la  matière  de  Ghouquet*,  Hart^, 


*■  Die  Geschichle  der Bogeninstrumente,  Brunswick,  1882. 

^  La  Musique  en  Lorraine,  3*^  édition,  1886. 

^  Les  Wiriot- Wœiriot,  orfèvres-graveurs  lorrains  (Compte  rendu 
des  réunions  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  1891.) 

^  Le  Musée  du  Conservatoire  national  de  musique,  2.'^  édit.  du  cata- 
logue, 1884. 

^  Le  Violon,  ses  luthiers  célèbres  et  leurs  imitateurs,  trad.  de  l'an- 
glais par  A.  Royer,  1886. 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  10 

Picolellis^  Grove^,  Niederheitmann^  et  Appian  Benewitz^.  Le 
lecteur  doit  être  désormais  édifié  sur  la  valeur  des  documents 
qui  ont  servi  jusqu'à  ce  jour  à  nous  faire  connaître  la  vie  de 
Gaspard  Duiffoproucart.  Certes,  nous  ne  sommes  pas  en  pré- 
sence du  seul  cas  où  la  solution  d'un  problème  historique  est 
restée  indéfiniment  suspendue,  parce  qu'une  légende  lancée 
dans  la  circulation  a  été  acceptée  sans  contrôle,  et  s'est  for- 
tifiée par  sa  simple  répétition  au  point  de  barrer  la  voie  à  toute 
investigation  qui  risquerait  de  la  compromettre  ;  mais  il  est 
plus  rare  de  constater  une  pareille  obstination  dans  l'erreur, 
lorsqu'on  est  en  possession  d'un  document  doué  d'une  valeur 
assez  explicite  pour  dissiper  à  lui  seul  toute  équivoque.  Or, 
le  portrait  de  Duiffoproucart  par  Wœiriot,  connu  depuis  le 
commencement  du  siècle,  cité  à  chaque  instant,  présente 
au  plus  haut  point  ce  caractère  ;  nous  ne  croyons  pas 
exagérer  son  importance  en  prétendant  que  son  étude  ana- 
lytique équivaut  à  la  lecture  d'une  biographie  du  modèle. 

On  en  connaît  deux  états,  mais  nous  nous  contenterons 
pour  notre  thèse  de  décrire  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris,  que  nous  reproduisons  en  tête  de  cette 
étude  ^.  Haut  de  191  millimètres,  large  de  i34,  il  représente 
à  mi-corps  et  regardant  à  gauche,  un  homme  dans  la  force 
de  l'âge,  aux  traits  nobles  et  énergiques  ;  le  front  est  décou- 


*■  Luttai  antichi  e  moderni,  i885. 

^  A  Dictionary  ofmusic  and  musicians,  art.  Vioun,  4°  vol.,  1890. 

^  Çremona,  2®  édit.,  1884. 

■*  Die  Geige,  der  Geigenhau  und  die  Bogenverfertigung ^  Weiniar, 
1892. 

^  Cette  gravure  (Bibl.  nat.,  Cab.  des  Estampes,  série  IV,  2)  a  été 
reproduite  en  héliogravure  pour  notre  travail  avec  une  fidélité  mathé- 
matique (sauf  une  réduction  d'un  huitième),  qui  donne  à  ce  docu- 
ment une  valeur  bien  supérieure  aux  portraits  de  Duifi'oproucart 
publiés   par  Chouquet,  A.  Vidal,  A.  Jacquot,  etc. 


l6  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVf    SIÈCLE 

vert,  les  cheveux  ras,  une  longue  barbe  de  teinte  claire  lui 
descend  en  deux  flocons  sur  la  poitrine.  Vêtu  d'un  costume 
riche  dont  on  aperçoit  un  pourpoint  fait  d'une  étoffe  au 
dessin  élégant,  une  sorte  de  dalma tique  moins  foncée,  et  un 
col  et  des  manchettes  élégamment  plissés,  il  tient  de  la  main 
droite  un  long  compas  entr'ouvert,  et  de  la  gauche  le  manche 
d'un  luth  à  peine  dégrossi  ;  il  s'apprête  à  le  mesurer,  et,  le 
regard  dirigé  vers  le  ciel,  a  l'air  de  réfléchir  sur  les  propor- 
tions qu'il  donnera  à  son  œuvre. 

Le  fond  de  la  gravure  semble  indiquer  que  le  modèle  a 
posé  en  plein  air.  Sa  tête  est  surmontée  d'une  couronne  de 
laurier  au  centre  de  laquelle  est  inscrite  la  marque  ^,  et  qui 
paraît  soutenue  de  chaque  côté  par  des  mains  invisibles  qu'on 
devine  derrière  des  nuages.  Devant  l'artiste,  sont  étalés, 
dans  un  désordre  pittoresque,  les  instruments  suivants  : 

i^  Une  petite  guitare  à  huit  cordes,  dont  le  manche  se 
recourbe  en  avant  et  figure  une  tête  de  chien  ; 

1^  Un  luth  à  onze  ou  douze  cordes,  de  la  même  dimension 
que  celui  que  tient  l'artiste,  mais  complètement  achevé  ; 

3°  Un  autre  luth  dont  on  n'aperçoit  que  le  dos  et  une 
partie  du  manche  ; 

4*^  et  5*^  Deux  autres  luths  vus  par  leur  extrémité  inférieure, 
sur  laquelle  est  inscrite  la  marque  ^. 

6°  Un  étui  à  luth  entr'ouvert  et  laissant  voir  l'instrument 
qui  le  remplit; 

7°  Une  petite  harpe  à  12  cordes,  dont  le  haut  de  la  caisse 
de  résonance  porte  la  marque  déjà  citée  ; 

8°  Une  viole  à  4  cordes,  de  petit  modèle,  aux  tables  plates, 
aux  ouïes  en  formes  de  C,  au  manche  en  volute  quadran- 
gulaire,  au-dessus  et  au-dessous  de  laquelle  on  distingue  les 
extrémités  de  deux  archets  ; 

9*5  Un  violon  à  5  cordes,  très  différent  de  l'instrument 
précédent  par  la  forme  plus  allongée  de  sa  coupe,  ses  tables 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  ly 

bombées,  ses  ouïes  en  S,  son  manche  à  volute  toute 
moderne  ; 

I  o*^  Un  autre  instrument  à  archet  dont  on  n'aperçoit  qu'une 
partie  ;  sa  coupe  se  rapproche  de  celle  du  violon  ;  il  est 
monté  de  8  cordes  qui  paraissent  disposées  deux  par  deux 
comme  celles  de  la  viole  d'amour  ; 

1 1''  Un  petit  instrument  à  archet  à3  cordes,  aux  ouïes  en 
S  très  allongées,  sorte  de  rebec  ou  de  gigue  allemande; 

12*^  Un  sistre  à  6  ou  7  cordes  de  petites  dimensions  ; 

On  aperçoit  en  outre,  dans  tous  les  vides  laissés  entre  les 
instruments  que  nous  venons  de  décrire,  des  dos  de  luths  et 
des  manches  dont  l'un  se  termine  par  une  curieuse  tête 
d'animal. 

Le  bas  de  la  gravure  est  occupé  par  une  tablette  à  enca- 
drement élégant  sur  laquelle  se  lit  l'inscription  suivante  : 

Gafpar  Duiffoprugcar 

Vivafui  infylvh^fum  dura  occifa  securi; 
Dutn  vi'xi  facui,  mortua  dulce  cano. 

y^ta.       ann. 

XL       ç      VIll 

Si  nous  en  détachons  le  signe  t  et  le  monogramme  '^^s^ 
dont  le  premier  représente  la  croix  de  Lorraine  et  dont  le 
second  se  décompose  en  un  P,  un  V  et  un  B,  nous  aurons  la 
signature  de  l'auteur,  Pierre  Wœiriot  de  Bouzey,  sur  lequel 
quelques  détails  biographiques  doivent  trouver  place  ici. 

Cet  artiste,  dont  la  vie  et  les  œuvres  ont  été  l'objet  de 
travaux  importants,  parmi  lesquels  nous  citerons  ceux  de 
Robert-Dumesnili,  d'Ambroise  Firmin-Didot  ^  et  d'A.  Jac- 

^  Le  Peintre-graveur  français^  t.  VII,  1844, 
-  Notice  sur  Jean  Leclerc  et  Pierre  Wœiriot. 


l8  LKS    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVI''    SIÈCLE 

quoi*,  appartient  à  une  vieille  famille  lorraine  qui,  dès  le 
commencement  du  xiv*^  siècle,  donnait  un  maïeur  à  la  ville 
de  Neufchâteau,  et  dans  laquelle  les  aptitudes  artistiques 
pour  la  sculpture,  la  gravure,  l'orfèvrerie  et  l'architecture 
se  sont  transmises  héréditairement  pendant  quatre  généra- 
tions, du  milieu  du  xv^  siècle  au  commencement  du  xvii''. 
C'est  l'auteur  du  portrait  de  DuifFoproucart  qui  a  laissé  la 
trace  la  plus  profonde  comme  graveur  et  comme  orfèvre.  Il 
portait  le  titre  de  seigneur  de  Bouzey,  et,  à  partir  de  i56i ,  a 
signé  plusieurs  œuvres  du  monogramme  qui  réunissait  les 
initiales  de  son  nom  familial  et  de  son  nom  nobiliaire. 

Il  fut  attiré  dès  sa  jeunesse  à  Lyon  par  les  ressources 
exceptionnelles  qu'offraient  alors  aux  graveurs  les  illustra- 
tions intercalées  dans  les  livres  célèbres  de  nos  imprimeurs, 
et  ne  tarda  pas  à  s'y  faire  une  place  à  côté  des  Petit- 
Bernard,  des  Cruche,  et  de  bien  d'autres  artistes  de  talent. 
Son  nom  reste  attaché  à  plus  d'une  publication  célèbre  de 
la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle,  et  les  portraits,  destinés 
ou  non  à  y  être  intercalés,  pour  lesquels  il  a  pris  des 
modèles  habitant  notre  ville  et  notre  région,  pourraient 
fournir  les  éléments  d'une  petite  galerie  de  célébrités  lyon- 
naises :  nous  y  trouverions  Louise  Labé,  la  Belle  Cordière, 
Barthélémy  Aneau,  régent  du  collège  de  la  Trinité,  Geor- 
gette  de  Montenay,  femme  de  lettres  dauphinoise,  Michel 
Nostradamus,  médecin  astrologue  qui  a  souvent  résidé  à 
Lyon,  Jean  Calvin. 

On  peut  déjà  présumer  d'après  cela  que  Wœiriot  s'est 
trouvé  mêlé  assez  intimement  à  la  vie  de  notre  cité  :  une 
preuve  plus  convaincante  nous  en  est  fournie,  à  défaut  de 
nos  archives  locales  jusqu'à  présent  muettes  à  son  égard,  par 
le  curieux  ouvrage,  intitulé  Pinax  iconicus,  dont  la  biblio- 

'  Les  Wiriot-Wœiriot,  v.  plus  haut  note  3  de  la  p.  14. 


GASPARD    DUIFFOniOUCART  I  Q 

ihèqiie  de  la  ville  de  Lyon  possède  un  exemplaire*.  Ce  pclil 
livre  se  compose  essentiellement  de  neuf  planches  représen- 
tant les  divers  modes  de  sépulture  usités  chez  les  peuples 
anciens  et  d'un  texte  latin  emprunté  presque  littéralement  à 
Lilius  Grégorius.  Il  débute  par  une  dédicace  de  P.  Wœiriot 
au  duc  de  Lorraine,  dédicace  datée  de  Lyon,  dans  laquelle 
il  déclare  avoir  procédé  lui-même,  pour  la  composition  et 
l'édition  du  présent  ouvrage  à  toutes  les  opérations,  dont 
plusieurs  ne  se  comprennent  guère  que  faites  sur  place  ^.  La 
cinquième  planche  du  recueil  porte  un  commentaire  encore 
plus  explicite  :  nous  ne  sommes  pas  peu  surpris  d'y  voir 
notre  quai  Saint-Antoine  servir  de  théâtre  à  une  scène  de 
funérailles  chez  les  Hérules,  et  le  plan  du  fond  de  la  gravure 
constitué  par  un  panorama  de  la  colline  de  Fourvière  avec  les 
églises  et  les  autres  édifices  qui  s'étagent  sur  ses  flancs  et 
autour  de  sa  base.  Le  texte  explique  que  Wœiriot,  qui 
habitait  Lyon  (^L«^(/f/;ii  inclyfam  civitatem  quam  tune  inha- 
bifahat)a.u  moment  où  il  a  composé  cette  œuvre,  a  pris  cette 
vue  de  la  colline  oîi  est  situé  le  château  de  Béchevelin  (ex 
suburbano  Becovillani  castelli  colliculo).  La  légende  des 
deux  planches  suivantes  indique  la  reproduction  de  deux 
autres  habitations  des  environs  de  Lyon,  le  château  de  la 
Motte  et  la  ferme  de  la  Férandière.    Il  nous  semble   aussi 


*  Pinax  iconicus  anliqiwrum  ac  variorum  in  sepulluris  riluum  ex 
Lilio  Grec/orio  excerpla,  picturis  juxla  hypocjraphas  exacla  arte 
elahoralis  effigiata  :  ad  animorum  iitilem  cognitionem.,  oculorum 
jucundam  inspectionem  et  operosam  manus  artificis  imitationem  ; 
in-8  oblong  imprimé  à  Lyon  eu   i556,  chez  Clément  Baldin. 

^  Quas  equidem  ego  in  aère  fudi  et  expolii  ;  expolitas  imaginum  li- 
neamentis  ad  monogrammes  usquè,  quàm  fieri  potuit  speciosissimè 
depinxi,  juxtà  Literariœ  descriptionis  argumentum  ;  deindè  sic  delinea- 
tas  scalpello  ac  cœlo  exaravi  :  deniquè  exaratas  preli  tormento,  et  en- 
causti  atramento  excudi,etin  publicam  lucem  sub  clarissimo  nomine 
tuo  edidi. 


20  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XYI*"    SIECLE 

qu'un  coin  de  la  neuvième  planche,  où  sont  représentées  des 
ruines  d'aqueducs,  éveille  le  souvenir  des  bords  de  l'Yseron. 
Enfin  n'oublions  pas,  avant  de  fermer  ce  livre,  de  signaler 
la  gravure  qui  en  constitue  le  frontispice  ;  c'est  le  portrait 
de  l'auteur,  représenté  comme  un  jeune  homme  presque 
imberbe,  et  désigné  par  l'inscription  suivante  :  Petrus 
Wœirlot  lotaringus  has  faciehat  eiconas  eu  jus  effigies  hœc 
est  anno  suse  œtatis  '24.  Le  rapprochement  de  cet  âge  avec 
la  date  de  i556,  qui  est  celle  de  l'édition  du  Pinax  iconicus 
et  que  Robert-Dumesnil  signale  sur  un  autre  état  de  la 
même  gravure,  permet  de  fixer  la  naissance  de  l'artiste  en 
i53i  ou  i532. 

D'autre  part,  nous  croyons  qu'il  est  rationnel  d'admettre, 
avec  M.  Jacquot,  que  le  séjour  de  Wœiriot  à  Lyon  s'est 
prolongé  jusqu'en  iSyS,  tout  en  reconnaissant  qu'il  a  été 
interrompu  par  plusieurs  voyages,  en  particulier  en  Lor- 
raine. 

Ce  portrait  de  DuifFoproucart,  très  remarquable  d'une 
manière  absolue,  occupe  dans  l'œuvre  de  Wœiriot  un  rang 
exceptionnel.  Il  le  doit  non  seulement  à  ses  dimensions,  mais 
aussi  et  surtout  au  mélange  de  vigueur  et  de  souplesse  dont 
l'artiste  a  rarement  donné  un  exemple  aussi  complet.  Nous 
avons  étudié  comparativement,  au  cabinet  des  Estampes  de  la 
Bibliothèque  Nationale  et  ailleurs,  la  plus  grande  partie  des 
portraits  dus  au  graveur  lorrain  et  n'en  connaissons  pas  qui 
égale  celui  de  notre  luthier.  Son  rapprochement  avec  celui 
de  Louise  Labé,  daté  de  i555,  et  que  M.  Félix  Desvernay  a 
bien  fait  connaître  aux  amateurs  lyonnais*,  est  particulière- 
ment instructif  et  témoigne  des  progrès  énormes  faits  dans 
l'intervalle   des   sept   années  qui  séparent  les  deux  œuvres. 

^  Note  au  sujet  de  deux  portraits  de  Louise  Labé,  dite  la  Belle  Cor- 
dière,  Lyon,  1887, 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  2  1 

Les  vêtemenis  et  la  barbe  de  DuiffoproucarL  sont  traités 
avec  une  souplesse  et  une  entente  des  effets  de  lumière 
dont  on  ne  peut  avoir  une  idée  devant  les  plis  rigides  de  la 
robe  et  le  dessin  grossier  des  cheveux  de  la  Ï3clle  Gordière. 
Signalons  enfin  une  qualité  qui  acquiert  pour  nous  une 
importance  spéciale  :  c'est  le  soin,  la  netteté,  je  dirai  même 
la  perfection  avec  laquelle  sont  reproduits  les  instruments 
dont  le  luthier  est  entouré.  Grâce  à  cette  particularité,  la 
gravure  de  Wœiriot  acquiert  la  valeur  d'un  document  de 
premier  ordre  pour  l'histoire  de  la  musique  instrumentale. 

Si  jamais  portrait  a  eu  un  caractère  professionnel  précis, 
c'est  bien  celui  que  nous  analysons,  et  l'on  a  peine  à  supposer 
qu'un  doute  ait  pu  être  émis  sur  la  question  de  savoir  si  c'est 
un  luthier  qu'il  représente.  Duplessis  Ta  fait  pourtant  * ,  et  pré- 
tend que  Wœiriot  a  gravé  les  traits  de  Gaspard  Diffenplugar, 
bourgeois  suisse  quia  joué  en  iSyi  un  rôle  politique  impor- 
tant à  Lucerne,  lorsque  le  maréchal  de  Vieilleville  s'y  rendit 
pour  négocier  le  renouvellement  du  traité  d'alliance  entre 
la  France  et  les  Treize  Gantons^.  Nous  reconnaissons,  entre 
le  personnage  en  question  et  celui  du  modèle  de  Wœiriot, 
une  analogie  de  nom  que  le  peu  de  fixité  de  l'orthographe  au 
xvi*^  siècle  permet  même  de  qualifier  de  similitude  ;  il  est 
aussi  à  remarquer  que,  d'après  la  source  qui  signale  le  bour- 
geois de  Lucerne,  il  aurait  fréquenté  les  foires  de  Lyon  avant 
de  se  fixer  en  Suisse.  Mais  nous  ne  pouvons  voir  en  lui 
qu'un  homonyme  et  peut-être  un  parent  de  notre  luthier,  ce 
dont  nous  donnerons  plus  loin  des  preuves  décisives. 

A  côté  du  nom  de  Gaspard  Duiffoprugcar,  de  sa  devise 


*  Tome  IX  du  Peintre-graveur. 

~  Mémoires  du  maréchal  de  Vieilleville,  par  Carloix,  chap.  xxii, 
m  tome  XXVIII  de  la  Collection  des  mémoires  relatifs  à  l'histoire  de 
France,  publiée  par  Petitol  ;  Paris,  1822. 

H.  c.  g 


11  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl'=    SIÈCLE 

rédigée  en  un  distique  d'une  élégante  latinité  et  de  la  marque 
dont  il  signait  ses  instruments,  l'œuvre  de  Wœiriot  nous 
fournit  la  date  de  sa  naissance  avec  une  évidence  qu'on 
s'étonne  de  ne  pas  avoir  vue  plus  généralement  reconnue 
jusqu'à  présent.  Le  rapprochement  des  deux  indications  : 
œta.  anno  XLVIII ei  i56'"2  ne  peut  s'expliquer  qu'en  admet- 
tant, avec  Gerber  et  Mendel,  que  Duiffoproucart  avait 
quarante-huit  ans  en  i562,  année  oîi  son  portrait  a  été 
gravé,  et  par  conséquent  qu'il  était  né  en  i5i4-  Cette  inter- 
prétation est  conforme  à  celle  des  inscriptions  qu'on  ren- 
contre souvent  sur  des  œuvres  similaires,  en  particulier  chez 
Wœiriot  ;  c'est  ainsi  qu'il  faisait,  la  même  année  que  celui 
de  notre  luthier,  le  portrait  de  Michel  Nostradamus,  au  bas 
duquel  il  inscrivait  aeta.  anno  LVIII  et  156^2 ;  or,  nous 
savons  d'autre  part  que  le  célèbre  astrologue  est  né  à  Saint- 
Rémy  en  i5o3,  date  qui  vient  confirmer  notre  thèse,  en 
tenant  compte  d'une  marge  de  deux  ou  trois  ans  nécessaire 
à  admettre  dans  ces  sortes  de  calculs,  à  cause  de  l'ignorance 
réelle  ou  feinte  des  modèles.  Et,  de  fait,  quelle  autre  signifi- 
cation donner  aux  chiffres  du  portrait  de  Duiffoproucart? 
Nous  n'en  voyons  qu\me  seule,  consistant  à  supposer  que, 
contrairement  àFusage,  le  graveur  a  voulu  mentionner  son 
propre  âge  :  or,  cette  hypothèse  se  trouve  réfutée  par  la 
légende  du  portrait-frontispice  du  Pinax  iconicus. 

En  résumé,  la  gravure  de  Wœiriot  nous  apprend  à  elle 
seule  que  Gaspard  DuifFoprugcar  a  été  un  luthier  éminent 
et  qu'il  est  né  vers  l'année  i5i4.  Elle  nous  renseigne  sur  les 
caractères  des  instruments  qu'il  a  fabriqués,  sur  la  marque 
dont  il  les  signait  et  sur  sa  devise.  De  plus,  elle  nous  permet 
de  supposer  avec  une  très  grande  vraisemblance  que  cet 
artiste  habitait  à  Lyon  en  i562.  Nous  sommes  heureux  de 
pouvoir  apporter  ici,  pour  garnir  ce  cadre  biographique,  un 
assez  grand  nombre  de  documents  inédits  que  nous  avons 


GASPARD    DUIFFOPROUCAUT  28 

récemment    découverts    dans    les    Arcliivcs    communales, 
départementales  et  hospitalières  de  notre  ville*. 

Toute  trace  du  séjour  de  notre  luthier  à  Lyon  fait  défaut 
jusqu'en  i553.  Mais,  à  partir  de  cette  date,  les  registres  des 
entrées  de  vin  au  port  du  Temple  nous  le  signalent  à  inter- 
valles rapprochés  et  presque  périodiques.  Le  28  novembre 
i553,  «  Gaspard  Duiffobrocard allemand  «paye  9 livres  pour 
l'entrée  de  six  bottes  de  vin  ^.  Le  4  novembre  i555,  même 
recette  perçue  du  même  personnage  dont  le  nom  est  cette 
fois  écrit  «  Duiffoprougar  »  ^.  Nous  croyons  également  que 
c'est  lui  qui  acquitte,  au  même  port,  les  droits  de  3  livres  et 
de  5  livres  5  sols  pour  quatre  et  sept  poinçons  aux  dates  du 
17  octobre  et  du  6  novembre  i556  sous  la  désignation  de 
«  M^  Gaspard  allemand  » ,  et  ceux  de  5  livres  i  o  sols  pour 
dix  poinçons  à  la  date  du  2.5  novembre  iSSy  sous  les  désigna- 
tions de  Gaspard  «  Dubrocard  »  et  «  Brocard*  ».  Enfin,  le 
3o  novembre  i558,  6  livres  5  sols  sont  encore  perçues  aux 
dépens  de  Gaspard  Duiffobrocard  pour  l'entrée  de  quinze 
poinçons  "'.  Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  que  les 
sommes  payées  ainsi  par  notre  artiste  figurent  parmi  les  plus 
élevées  de  ces  registres,  et  par  conséquent  sont  en  rapport 
avec  le  budget  d'un  train  de  maison  important. 


^  Nous  nous  faisons  ici  un  devoir  de  remercier  pour  leur  précieuse 
collaboration  MM.  G.  Guigue  et  Breghot  du  Lut,  archivistes  en  chef 
du  département  et  des  hôpitaux,  et  de  reconnaître  Tinfatigable  com- 
plaisance montrée  à  notre  égard  par  M.  Favier,  chef  de  bureau  chargé 
de  la  direction  des  Archives  de  la  ville. 

^  Aixhives  de  la  ville  de  Lyon,CC  his  (série  composée  de  pièces  de 
finances  non  inventoriées),  i4i. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CG  Jjis,  i58. 

'''  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CC  his^  167  et  177. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  GG  his^  180. 


24  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVI'    SIÈCLE 

Nous  apprenons,  par  un  de  ces  recensements  de  pennona- 
ges  qui  vont  se  multiplier  d'année  en  année  dans  la  seconde 
moitié  du  xvi"  siècle,  que  a  Gaspard  Dufourbourcar  »  logeait 
à  cette  époque  dans  un  quartier  compris  entre  l'église  des 
Gordeliers  et  les  rues  Grenette  et  Dubois  *.  Son  nom  est  im- 
médiatement suivi  de  celui  de  «  Valoys  Doly,  son  gendre  ». 
Il  est  à  remarquer  que  la  profession  musicale  a  fourni  à  ce 
pennonage  un  nombre  exceptionnel  de  représentants  :  car 
notre  luthier  y  est  en  compagnie  d'un  confrère,  Benoît 
Lejeune,  d'un  organiste,  Jacques  A'^olet,  d'un  «  violeur», 
Tristan  Droin,  et  de  deux  «  taborineurs  »,  Benoît  Alix  et 
Claude  Gardillar. 

S'il  pouvait  subsister  un  doute  sur  l'identité  profession- 
nelle du  personnage  en  question,  il  suffirait,  pour  le  dissiper, 
de  lire  deux  actes  notariés  passés  le  28  février  et  le  10  juin 
i556  devant  Etienne  de  Mondidier,  notaire  royal  à  Lyon,  et 
dont  nous  avons  retrouvé,  au  greffe  de  la  ville,  les  copies 
d'enregistrement  datées  du  14  juillet  de  la  même  année  ^.  Il 
s'agit  de  deux  contrats  de  vente  portant  sur  cinq  parcelles 
dites  «  pies  »  d'une  vigne  située  à  la  côte  Saint- Sébastien  et 
faisant  partie  de  la  succession  de  Geoffroy  Baronnat.  L'ac- 
quéreur est  «  Gaspard  Duyfautbocard,  marchand  allemand, 
faiseur  de  luz^  demourant  audict  Lion  »,  qui  débourse  de  ce 


*  Archives  de  la  ville  de  I-^yon,  EE  «  Establies  du  cousté  du  Rosne 
faictes  en  rannée  i557  ».  Voici  comment  ce  document  délimite  le 
pennonage  habité  par  DuilToproucart  :  «  Depuis  le  grand  portai  des 
Gordeliers  tirant  par  la  gran  rue  de  la  Grenette  jusqu'au  coing  de  Tes- 
trapade  entrant  par  la  mette  de  la  rue  Dubois  tirant  depuis  ladicte 
mette  par  ladicte  rue  Dubois  dung  costé  et  dautre  à  la  maison  du  sieur 
Michiel  Dubois  mareschal  etdillec  à  la  porte  des  Gordeliers  devers  le 
soir  (au  midi)  seulement.  » 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  T^F  :  «  Doulsiesme  volume  et  registre 
des  aliénacions  présentées  au  greffe  des  insinuacions  de  la  ville,  pais  et 
séneschaussée  de  Lyon  »,  fol.  120  etsuiv. 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  25 

fait  la  somme,  1res  respectable  pour  l'époque,  de  53o  livres. 
Un  autre  document  vient  bientôt  après  resserrer  les  liens 
qui  rattachent  l'artiste  à  notre  ville,  c'est  l'acte  intitulé 
((  Lettres  de  naturalité  pour  Gaspard  Dieirenbruger  »,  donné 
par  Henri  II  à  Paris  en  janvier  i558  (vieux  style),  enregistré 
à  la  cour  des  comptes  le  3  février  suivant,  et  à  Lyon,  le  6  juin 
i55g,  dans  un  volume  conservé  à  nos  archives  départemen- 
tales où  nous  en  avons  pris  connaissance  *  :  voici  le  début  de 
ces  lettres  dont  le  reste  ne  se  compose  que  de  formules  sans 
intérêt  : 

«  Henri  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  à  tous  pré- 
sents et  advenir,  salut.  Scavoir  faisons  nous  avoir  receu  hum- 
ble supplicacion  de  nostre  cher  et  bien  amé  Caspar  Dieffen- 
bruger,  alleman,  faiseur  de  lutz,  natif  de  Fressin,  ville 
impérialle  en  Allemaigne,  contenant  qu'il  y  a  ja  longtemps 
qu'il  a  laissé  ledict  lieu  de  sa  nativité  pour  venir  se  habiter 
en  nostre  ville  de  Lyon  où  il  est  à  présent  résidant  avec 
ferme  et  entière  délibéracion  de  y  vivre  et  finir  ses  jours 
soulz  nostre  obéissance  et  comme  notre  vrai  et  naturel  sub- 
jest  si  nostre  bon  plaisir  est  pour  tel  tenir  et  recepvoir...  » 

Nous  sommes  fixés  par  ce  préambule  sur  le  lieu  de  nais- 
sance de  Duiffoproucart  :  Fressin,  ville  impériale  d'Allema- 
gne, ne  peut  être  que  Freising,  chef-lieu  de  district  de  la 
Haute-Bavière,  localité  située  sur  le  bord  del'Isar,  à  3o  kilo- 
mètres au  nord-est  de  Munich.  C'était  au  xvi^  siècle  une 
ville  épiscopale  assez  importante,  dont  l'évêque  devint,  au 
siècle  suivant,  chef  d'une  principauté  ecclésiastique  comme 
son  voisin,   l'archevêque  de  Salzbourg;  mais  on  ne  connaît 


*  Archives  départementales  du  Rhône,  B,  Livre  du  roi^  fol  43.2  et 
suiv.,  i532-i559. 


2.6  LES    LUTHIERS    LYONNAIS   AU    XVl"    SIECLE 

rien  de  particulier  sur  son  liisLoire  artistique.  L'opinion  de 
Wasielewski,  qui  assignait  à  Duiffoproucart  une  origine 
bavaroise  et  non  tyrolienne,  comme  la  plupart  des  auteurs, 
se  trouve  ainsi  définitivement  confirmée. 

En  résumé,  tout  indique  dans  les  documents  précédents 
que,  dans  les  premières  années  de  la  deuxième  moitié  du 
xvi^  siècle,  Gaspard  Duiffoproucart  était  fixé  à  Lyon,  y 
exerçait  la  profession  de  luthier,  et  y  occupait  une  situation 
sinon  riche,  du  moins  aisée.  Nous  démontrons  plus  loin 
qu'il  était  marié,  père  de  famille,  et  que  ses  moyens  lui 
avaient  permis  de  se  faire  construire  sur  son  terrain  de  la 
côte  Saint-Sébastien  une  maison  importante  avec  cour  et 
jardin  oii  il  avait  transporté  son  habitation.  Ne  peut-on  pas 
supposer  qu'il  a  voulu  à  cette  occasion  appeler  par  l'aumône 
le  bonheur  sur  son  toit  ?  Nous  trouvons  en  effet  consignée 
dans  les  recettes  du  recteur-trésorier  de  la  Charité  pour  les 
années  i56o  et  i56i,  au  chapitre  des  a  cas  inopinés  tant 
argent  bledz  que  vin  »,  une  aumône  de  2  livres  8  sols  tournois 
faite  par  «  M"  Gaspard  laleman,  faiseur  d'instruments  de  mu- 
sique »,  personnage  que  nous  croyons  être  Duiffoproucart ^ 
Mais  au  moment  où  Wœiriot  consacrait  son  ère  de  prospérité 
et  de  renommée  en  en  gravant  le  témoignage  éclatant  qui 
est  parvenu  jusqu'à  nous,  on  préparait,  dans  une  sphère  poli- 
tique trop  élevée  pour  ne  pas  échapper  aux  prévisions  de 
l'artiste,  un  événement  qui  allait  entraîner  pour  lui  les  con- 
séquences les  plus  désastreuses  et  assombrir  la  fin  de  sa  vie. 

Déjà  les  rois  de  France  avaient  à  plusieurs  reprises  cher- 
ché à  tenir  en  échec  l'esprit  indépendant  des  bourgeois  de 
Lyon  parla  construction  d'une  citadelle;  cette  idée,  que 
François    P''   faillit   réaliser,   fut  étudiée  à    nouveau    dans 

^  Archives  de  l'hospice  de  la  Charité  de  Lyon,  E,  170. 


GASPARD    DUIFFOFROUCARD  27 

le  Conseil  de  Charles  IX,  et  la  surprise  de  Lyon  par  les  pro- 
testants, en  i562,  servit  de  raison,  d'aucuns  diront  de  pré- 
texte, pour  sa  mise  à  exécution  immédiate.  On  choisit  pour 
son  emplacement  un  point  de  la  colline  de  la  Croix-Rousse 
qui  n'est  pas  exactement  connu,  malgré  les  discussions  dont 
cette  question  a  été  plusieurs  fois  l'objet  *.  Nous  savons  seu- 
lement que  cet  édifice  était  situé  sur  la  côte  Saint-Sébastien, 
dénomination  sous  laquelle  on  comprenait  au  xvi^  siècle, 
non  seulement  la  rue  qui  a  conservé  ce  nom,  mais  aussi  une 
autre  voie  qui  partait  de  la  porte  Saint-Marcel  et  suivait 
approximativement  le  trajet  de  la  Grande-Côte  actuelle. 

Des  immeubles  assez  nombreux  durent  être  expropriés; 
un  premier  lot  fut  estimé  Si.SgS  livres  lo  sols,  somme  dont 
on  paya  environ  le  tiers  en  capital,  l'indemnité  du  reste  étant 
constituée  par  des  rentes  sur  la  recette  de  Lyon,  et  la  cita- 
delle fut  bâtie  en  i564.  Mais  on  reconnut  bientôt  que  de 
nouvelles  démolitions  étaient  nécessaires,  et  entre  autres 
celle  de  l'immeuble  de  DuifPoproucart  qui  était  situé  dans 
le  fossé  de  la  citadelle,  à  ce  que  nous  apprend  le  dossier 
des  Archives  de  la  ville  où  nous  puisons  tous  les  détails  de 
cet  épisode  de  la  vie  de  notre  luthier  ^.  La  maison  fut  rasée 


^  Voix',  entre  autres,  deux  articles  parus  en  1829  et  i83o  dans  les 
Archives  historiques  et  statistiques  du  département  du  Rhône. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  EE,  GhappelV,  p.  343  etsuiv.,  art.  8 
(citadelle  et  chapelle  Saint-Sébastien)  ;  le  dossier  de  la  maison  de  Duif- 
foproucard  comprend  les  pièces  suivantes  :  1°  Co^^ie  de  lettres  patentes 
du  roi  Charles  IX  (voir  pièce  justificative  I)  ;  2°  «  coppie  communi- 
quée par  dame  Marguerite  Defaubrocard  demanderesse  pour  les  sieurs 
prévost  des  marchands  eteschevins  de  Lyon  le  XI  may  1606  »  ;  3°  «  re- 
queste  pour  dame  Mai'guerite  Defaubrocard  demanderesse  contre  les 
sieurs  prévost  des  marchands  et  eschevins  de  la  ville  de  Lyon,  le  VIII  may 
1606,  à  Mons^""  Messire  de  Refuge,  conseiller  du  roy  et  maistre  des 
requestes  en  son  conseil  privé  et  destat,  lui  présidant  en  la  justice  et 
police  de  Lyon,  pays  de  Lyonnois,  Forestz,  Beaujolois  et  Masconnois.  » 


28  LES    LUÏIIIEÎIS    LYONNAIS    AU    XVl''"    SIÈCLE 

en  i566,  et  tous  les  matériaux  provenant  de  sa  démolition, 
((  boys,  pierre,  thuilles  et  aultres,  »  servirent  à  la  fin  de  la 
construclion  de  la  forteresse.  Ce  terrain  et  l'immeuble 
représentaient  tout  le  patrimoine  et  toutes  les  économies  de 
l'artiste,  nous  apprend  un  document  qui  nous  fixe  encore 
mieux  sur  son  importance  par  la  somme  de  9245  livres 
i4  sois  4  deniers,  qui  fut  déclarée  représenter  sa  valeur 
minimum  après  deux  expertises  faites  par  les  ingénieurs  du 
roi  ;  il  faudrait  au  moins  quintupler  ce  chiffre  pour  arriver 
aujourd'hui  à  cette  estimation. 

Malgré  des  démarches  entreprises  dès  le  début  des  opé- 
rations d'expropriation,  Duiffoproucart  ne  reçut  aucune 
indemnité  :  c'était  la  ruine  complète,  et  il  avait  une  femme 
et  quatre  enfants.  La  Charité  se  souvint  alors  probablement 
qu'il  n'avait  pas  oublié  ses  pauvres  dans  les  jours  heureux. 
Nous  apprenons  en  effet  cjue,  dans  les  visites  faites  par  les 
recteurs  de  l'Aumône  générale  à  la  prison  de  Roanne  pen- 
dant la  semaine  sainte  de  iSôy,  ils  y  trouvèrent  un  velou- 
tier,  Benoît  Zacharie,  détenu  pour  dettes  envers  deux  créan- 
ciers, et  le  firent  élargir  après  avoir  payé,  les   29  avril  et 

1 1  mai  de  cette  année,  6  livres  à  Ennemond  Bizot,  et  9  livres 

12  sols  «  à  Gaspard  Dutfontbrocguard,  faiseur  de  leutz,  et  à 
Barbe  Homeau  sa  femme  *  ». 

Peu  après  notre  artiste  mourait  dans  la  misère  et  les  dettes. 
L'Etat  civil  de  Lyon,  si  incomplet  pour  cette  époque,  est  muet 
sur  le  lieu  et  la  date  de  son  décès,  mais  nous  possédons  des 
données  qui  nous  permettent  d'y  suppléer  jusqu'à  un  cer- 
tain point.  En  effet,  Duiffoproucard  était  mort  le  16  dé- 
cembre iSyi,  date  de  lettres  patentes  royales  le  concer- 
nant sur  lesquelles  nous  allons  revenir;  le  texte  même  de  ce 
document,  qui  parle  de  démarches  judiciaires  faites  par  ses 

*  Archives  de  l'hospice  de  la  Charité  de  Lyon,  E,  174. 


GASPARD    DUIFFOPROUGART  29 

héritiers,  démontre  qu'il  avait  succombé  quelques  mois  au 
moins  auparavant.  D'autre  part,  nous  retrouvons  encore  son 
nom  sous  les  formes  de  Gaspard  a  DilTobrical  »,  «  DifFobri- 
card  »  et  «  Desfobrical  »,  avec  mention  de  sa  nationalité 
allemande,  dans  trois  rôles  de  cotisations  pour  les  années 
iSyi  et  1572  ',  ce  qui  permet  de  penser  que  sa  mort  était 
encore  à  ces  dates  récente  et  peu  connue  en  dehors  de  son 
voisinage.  Nous  croyons  donc  être  très  près  de  la  vérité  en 
regardant  l'année  iSyo  comme  celle  de  sa  mort.  En  outre, 
les  rôles  que  nous  venons  de  citer  nous  apprennent  qu'il 
s'était  retiré  après  la  démolition  de  sa  maison,  et  a  dû  finir 
ses  jours  dans  le  pennonage  de  Henrj  Touchard,  qui, 
d'après  une  Establie  de  i568,  correspondait  à  peu  près  au 
quartier  actuel  de  la  Martinière  ^;  nous  pouvons  en  con- 
clure qu'il  a  été  inhumé  dans  le  cimetière  de  l'église  Saint- 
Vincent. 

Le  roi  Charles  IX  répara  une  trop  longue  injustice  en  assi- 
gnant à  ses  héritiers  une  rente  annuelle  et  perpétuelle,  jus- 
qu'au remboursement  du  capital  d'estimation  de  l'immeuble, 
de  462  livres  5  sols  5  deniers,  soit  cinq  pour  cent  d'intérêt, 
à  prendre  sur  la  recette  générale  de  Lyon.  Les  lettres  pa- 


^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  GG,  102,  i53  et  i54. 

'  Archives  delà  ville  de  Lyon,  EE  «  Establies  de  la  ville  de  Lyon 
faites  au  moisd'aoust  i568  tantducosté  de  Fourvières  que  du  Rosne  »; 
voici  les  limites  du  pennonage  d'Henry  Touchard  :  «  Despuis  les  mai- 
sons qui  furent  de  feu  Glaude  Agnin,  appartenant  à  Rolin  Grosset 
poctier  d'estain,  tirant  le  long  des  maisons  et  des  grands  fossés  de  la 
lanterne  au  carré  de  la  maison  de  la  Croix  blanche  appartenant  à 
M''  Jacques  Roy,  cirurgien,et  à  sa  femme,  tirant  par  devers  Saincte- 
Gatherine  jusques  à  la  maison  du  grand  Forestz  appartenant  à  M.  de 
Montmartin,  retornant  à  la  fontaine  Sainct  Marcel  tirant  à  la  Déserte 
et  à  la  rue  nouvelle  des  Carmes  et  despuys  le  piastre  de  la  lanterne 
jusques  au  petit  portai  des  Augustins  au  devant   la   grande  bocherie.  » 


3o  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl''    SIECLE 

tentes  qui  constituent  ce  titre  et  qui  sont  datées  d'Amboise, 
le  1 6  décembre  iSyi,  ordonnaient  que  le  premier  des  termes 
trimestriels  de  la  rente  partirait  du  i"' janvier  suivant;  mais 
entre  la  lettre  royale  et  les  actes  d'enregistrement  et  autres 
qui  en  étaient  les  corollaires  forcés,  près  d'une  année  devait 
s'écouler.  Ces  intérêts  furent-ils  payés  exactement  au  milieu 
du  désordre  financier  qui  allait  s'aggraver  d'année  en  année 
jusqu'à  la  réorganisation  de  Henri  IV  et  de  Sully?  La  chose 
est  possible  pour  le  début,  mais  nous  avons  les  preuves  du 
contraire  à  partir  de  i585.  A  cette  date,  le  consulat  de  Lyon, 
constamment  hanté  par  la  pensée  de  la  démolition  de  la  cita- 
delle qui  se  dressait  comme  une  menace  perpétuelle  contre 
les  libertés  municipales,  profita  adroitement  des  embar- 
ras pécuniaires  au  milieu  desquels  se  débattait  le  dernier  des 
Valois,  et  conclut  avec  Henri  HI  un  traité  par  lequel  la  ville 
achetait  l'autorisation  de  démolir  la  citadelle  au  prix  d'une 
somme  de  40.000  livres  donnée  à  la  Couronne,  et  de  la  prise 
à  sa  charge  des  rentes  assignées  aux  expropriés,  rentes  se 
montant  alors  à  plus  de  3ooo  livres  par  an.  La  ville  aurait 
très  mal  rempli  cette  dernière  partie  de  ses  engagements,  si 
nous  en  jugeons  par  sa  conduite  envers  la  famille  de  notre 
malheureux  luthier;  nous  avons  en  effet  retrouvé  un  mé- 
moire et  une  requête  adressés  en  1606  aux  autorités  judi- 
ciaires compétentes  par  «  Marguerite  Dufobrugard,  fille  de 
feu  Gaspard  Dufobrugard,  vivant  marchand  aleman,  demeu- 
rant audict  Lyon  soulz  les  privilèges  royaulx  des  foires  ». 
Cette  personne  non  mariée,  et  par  conséquent  différente  de 
la  femme  de  Valois  Doly,  réclame  au  Consulat  a  la  quarte 
partie  du  fort  principal  »  de  la  rente  annuelle  constituée  par 
les  lettres  patentes  de  Charles  IX  au  profit  des  quatre  en- 
fants du  luthier  ainsi  que  «  le  quart  des  arréraiges  dicelle 
pension», ce  qui  permet  de  croire  que  la  ville  n'avait  encore 
payé  aucun  terme  de    cette   rente.   L'absence  du  nom  de 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  3l 

DuifFoproiicart,  sur  les  listes  des  rentiers  de  la  ville  que  nous 
possédons  pour  le  xvii^  siècle,  laisse  même  supposer  que 
cette  réclamation  est  finalement  demeurée  infructueuse. 

Dès  i585,  ((  Jehan  Duiffoproucart,  faiseur  de  lutz,  demeu- 
rant audict  Lyon,  fils  et  cohéritier  par  bénéfice  d'inventaire 
de  M*^  Gaspard  DuifFoproucart,  quand  vivoit  aussi  faiseur  de 
lutz  demeurant  audict  Lyon  »  avait  tiré  parti  de  la  succession 
hasardeuse  de  son  père,  en  faisant  abandon  à  M^  Jullien 
Viard,  garde  et  munitionnaire  de  la  ville  de  Lyon,  pour 
«  bons  et  agréables  services  »,  très  probablement  d'ordre 
pécuniaire,  de  ses  droits  sur  le  terrain  de  la  maison  pater- 
nelle*. Nous  donnons  ici  le  fac-similé  de  la  signature  auto- 
graphe du  donateur,  d'après  les  minutes  originales  de  l'acte 
dressé  à  cette  occasion. 

Ce  Jullien  Viard  possédait,  outre  cette  donation,  des  droits 
analogues  provenant  de  la  démolition  de  deux  maisons  voi- 
sines, dont  l'une  avait  appartenu  à  son  père.  Il  sut  en  tirer 
parti  pour  obtenir,  en  iSgS,  une  cession  importante  de  ter- 
rains de  la  ville  qui  voulait  tracer  des  rues  sur  l'emplace- 
ment de  la  citadelle.  Les  pièces  relatives  à  ce  contrat^  nous 
fournissent  les  noms  de  deux  proches  voisins  de  Gaspard 
Duiffoproucart  pendant  son  séjour  à  la  côte  Saint-Sébastien  : 
c'étaient  Nicolas  Viard,  chirurgien,  et  Humbert  Chanot, 
tisserand. 

Nous  sommes  désormais  fixés  sur  les  deux  étapes  extrêmes 


^  Voir  pièce  justificative  II. 

-  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  EE,  Ghappe  IV,  p.  862,  n°  3i. 


32  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl"    SIÈCLE 

de  la  vie  de  Gaspard  Duifïbproucart  et  savons  que,  né  vers 
i5i4  dans  la  ville  bavaroise  de  Freising,  il  est  mort  à  Lyon 
vers  1 570,  après  y  avoir  séjourné  au  moins  dix-sept  ou 
dix-huit  ans.  Rien  ne  nous  démontre  qu'il  faille  cherclier 
pour  lui,  en  dehors  de  ces  deux  centres,  autre  chose  que 
les  traces  de  passages  transitoires.  Suivant  les  plus  grandes 
probabilités,  sa  jeunesse  a  été  employée  à  faire  son  édu- 
cation professionnelle  dans  une  ou  plusieurs  de  ces  an- 
ciennes écoles  de  lutherie  de  la  Basse- Allemagne  dont  l'his- 
toire est  encore  enveloppée  d\me  obscurité  profonde,  puis 
il  s'est  acheminé  directement  vers  le  sud-ouest,  attiré  comme 
bien  d'autres  de  ses  compatriotes  par  la  réputation  des 
foires  trimestrielles  de  Lyon,  et  s'est  fixé  chez  nous.  Il  est  in- 
téressant de  faire  à  ce  propos  la  remarque  suivante  :  dans  les 
pièces  officielles  assez  nombreuses  qui  réglementent  les  privi- 
lèges des  marchands  allemands  aux  foires  de  Lyon  pour  le 
milieu  du  xvi^  siècle,  pièces  dont  on  retrouve  l'enregistrement 
dans  les  Archives  départementales  du  Rhône,  les  villes  qui 
sont  constamment  désignées  comme  principaux  lieux  d'ori- 
gine de  ces  négociants  sont  Nuremberg,  Ulm,  Augsbourg, 
Constance,  Nordlingen  et  Meiningen,  ce  qui  indique  l'exis- 
tence d'un  courant  d'émigrants  qui  affluait  à  Lyon  de  tous  les 
points  de  la  Souabe  et  de  la  Bavière,  c'est-à-dire  d'une  région 
à  laquelle  Freising  appartient  géographiquement.  Peut-être 
notre  luthier  et  le  bourgeois  de  Lucerne,  son  homonyme, 
ont-ils  fait  route  ensemble  jusqu'à  Lyon^,  et  se  sont-ils  séparés 
pour  implanter  l'un  en  France,  l'autre  en  Suisse,  deux  bran- 
ches d'une  même  famille. 

Le  texte  des  lettres  de  naturalisation  de  DuifToproucart 
est  également  en  faveur  de  notre  manière  de  voir.  Elles  nous 
disent  qu'en  1 558  il  avait  depuis  longtemps  quitté  sa  ville 
natale  pour  venir  habiter  Lyon,  mais  ne  font  mention 
d'aucun  séjour  intermédiaire;  un  acte  officiel  de  cette  nature 


GASPARD    DUIFF.)PROUCART  33 

aurai L-il  passé  sous  silence  le  fait  d'une  résidence  dans  d'au- 
tres localités  françaises,  et,  pour  en  revenir  une  dernière 
fois  à  la  version  biographique  de  Roquefort,  n'y  trouverions- 
nous  pas  une  allusion  aux  années  passées  à  Paris  par  le 
luthier  de  la  Chapelle  royale?  La  chose  est  bien  inadmissi- 
ble, et  nous  avons  cherché  en  vain  les  preuves  du  contraire, 
soit  dans  les  dépenses  secrètes  de  François  I"'  entre  les 
années  i53o  et  i538  que  le  marquis  Léon  de  Laborde  a 
publiées*,  soit  dans  les  listes  d'officiers  et  de  domestiques 
pendant  les  diverses  périodes  de  ce  règne  que  nous  four- 
nissent plusieurs  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale^. 
Le  nom  de  Duiffoproucart  fait  défaut  parmi  ceux  des  musi- 
ciens qui  se  rencontrent  en  grand  nombre  dans  ces  divers 
documents. 

Nous  attendrons  également  d'autres  preuves  que  celles 
que  nous  possédons,  avant  d'admettre  une  période  italienne 
dans  la  vie  de  notre  luthier.  Il  est  déjà  singulier  qu'un  artiste 
de  renommée  établi  à  Bologne  ne  soit  signalé  nulle  part 
comme  fournisseur  de  ces  petites  cours  fastueuses  qui 
précisément  à  cette  époque  multipliaient  leurs  résidences 
dans  tout  le  nord  de  la  Péninsule  et  n'avaient  garde  d'oublier 
les  instruments  de  musique,  surtout  à  cordes,  dans  la  consti- 
tution de  leur  mobilier.  L'absence  du  nom  de  Duiffoproucart 
dans  les  Archives  de  Mantoue,  dont  le  dépouillement  musical 


^  Les  comptes  des  bîdimenls  du  roi  (1528-71),  t.  II,  p.  199  et  suiv., 
ext.  des  Archives  nationales,  carions  J,  960,  961  et  962. 

"^  Bihl.  nat.  Man.  fonds  français,  jSot.  et  suivants.  Voir,  en  parti- 
culier^ le  manuscrit  intitulé  «  Roolle  et  état  des  seigneurs,  cardinaux, 
archevesques,  evesques,  princes,  chevaliers,  pairs  de  France,  officiers, 
domestiques  du  feu  roy  François  P""  et  de  feu  monseigneur  le  duc  d'Or- 
léans auxquels  a  esté  fait  délivrance  de  draps  de  deuil  aux  funérailles 
de  François  I*"".  » 


34  LES    LUTHIERS    LYO>;NAïS    AU    XVI'    SIÈCLE 

fait  parCanale^et  A.  BerioloLti^  témoigne,  dès  le  xvi^  siècle, 
d'une  véritable  passion  de  la  maison  de  Gonzague  pour  les 
pièces  de  lutherie,  cette  absence,  dis-je,  a  quelque  chose  de 
significatif  dans  l'espèce.  Aussi,  à  défaut  de  documents  écrits, 
a-t-on  tenté  de  démontrer  les  rapports  de  DuifFoproucart  avec 
l'Italie  par  le  caractère  des  instruments  qu'on  lui  attribue. 
Ceci  nous  conduit  à  l'étude  des  œuvres  de  cet  artiste,  sujet 
dont  nous  avons  fait  abstraction  jusqu'ici  pour  mieux 
en  serrer  la  discussion  en  l'isolant  de  nos  autres  documents. 


Roquefort  est,  croyons-nous,  le  premier  qui  ait  signalé 
des  instruments  de  Duiffoproucart.  Son  article  biographique 
décrit  trois  pièces  dont  deux  sont  restées  inconnues  depuis 
lui,  mais  dont  la  troisième  est  une  basse  de  viole  devenue 
célèbre  dans  l'histoire  de  la  lutherie.  Quelques  années  après, 
J.-B.  Vuillaume  imprimait  à  Paris  un  puissant  essor  à  la 
fabrication  des  instruments  à  archet,  et  jetait  les  bases  de  la 
prospérité  commerciale  de  sa  maison.  Or,  on  sait  que,  dési- 
reux de  répondre  à  l'engouement  commençant  des  amateurs 
pour  les  œuvres  des  luthiers  des  siècles  antérieurs,  il  éleva 
leur  contrefaçon  à  la  hauteur  d'un  système  et  jeta  sur  le 
marché  une  quantité  considérable  de  violons  imités  à  s'y 
méprendre,  y  compris  la  signature^  des  productions  des 
vieilles  écoles  italiennes.  Vidal,  très  au  courant  de  son 
histoire  industrielle,  nous  apprend  qu'en  1827  il  eut 
l'idée  d'imiter  un  instrument  de  DuifFoproucart,  très  pro- 
bablement la  basse  de  viole  de  Roquefort  dont  il  devait 
plus  tard  faire  l'acquisition  ;  cet  auteur  ajoute  que  sa  réussite 


^  Délia   musica  in  Manfova^  nollzie  traite  principalniente  dalFAr- 
chivio  Gonzaga;  Venise,  1881. 

'  Musici  alla  corle  dei  Gonzac/a  in  Mantova  clal  secolo  xv  a/xviii. 


GASPARD    DUIFFOPROUCART  35 

l'encouragea  à  la  récidive  et  que,  de  ce  fait,  les  violons  et 
les  violoncelles  fabriqués  dans  le  style  marqueté  et  incrusté 
qu'on  a  attribué  à  Duiffoproucart  se  répandirent  un  peu  par- 
tout et  furent  bientôt  multipliés  par  d'autres  contrefacteurs 
français  ou  allemands.  Ainsi  peut-on  s'expliquer  la  richesse 
relative  des  détails  sur  les  spécimens  du  talent  de  notre 
luthier  qu'on  rencontre  dans  les  ouvrages  qui  le  concernent. 
Malheureusement  pour  l'authenticité  de  ces  instruments,  ils 
portent  des  pièces  d'identité  soigneusement  adaptées  aux 
dates  de  la  biographie  de  Roquefort,  et  qu'il  nous  suffit  dès 
lors  de  signaler  pour  les  transformer  en  preuves  d'attribu- 
tions erronées. 

Ainsi,  F.  Niederheitmann  dresse  complaisamment  la  liste 
des  six  violons  authentiques  qu'on  possède  de  Duiffoprou- 
cart *  :  le  premier,  qui  lui  appartient,  et  qu'il  donne  comme 
le  plus  ancien  spécimen  de  cet  instrument,  est  daté  de  i5io. 
D'après  certaines  incrustations  qui  représentent  une  cou- 
ronne royale  et  deux  F  entrelacées  (?)  l'auteur  déclare  que  ce 
violon  a  été  fabriqué  pour  le  roi  François  I*^',  sans  nous 
expliquer  par  quelle  divination  l'artiste  a  gratifié  son  client 
des  attributs  royaux  cinq  ans  avant  qu'il  ne  montât  sur  le 
trône. 

Le  second  violon,  possédé  par  une  famille  d'Aix-la- 
Chapelle,  est  daté  de  i5i  i  ;  on  n'attribue  à  rien  moins  qu'à 
Léonard  de  Vinci  une  peinture  à  l'huile  que  porte  une  de 
ses  tables. 

Le  troisième,  daté  de  i5i5,  appartient  au  professeur 
Francalucci  (de  Bologne). 

Le  quatrième,  daté  ausside  1 5 1 5,se  trouve  chez  M.  Ghanot, 
luthier  à  Londres.  Niederheitmann  croit  que  c'est  l'instru- 
ment qui  appartenait  à  Meertz, professeur  au  Conservatoire 

*  Cremona,  loc.  cit. 


36  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl'    SIÈCLE 

de  Bruxelles,  lorsque  Félis  en  a  parlé  dans  sa  biographie 
de  Duifroproucart(i862),  mais  en  le  déclarant  daté  de  iSSq. 
Le  violon  de  Londres  doit  être,  à  notre  avis,  une  copie  de 
celui  de  Meertz,  dont  MM.  Gcvaërtet  V.  Mahillon  n'ont  pu 
nous  fournir,  malgré  leur  compétence,  aucune  trace.  Le 
manche  des  deux  est  sculpté  en  une  tête  de  fou  dans 
laquelle  on  n'a  pas  manqué  de  voir  le  portrait  de  Triboulet. 

Le  cinquième  violon,  qui  se  trouve  à  Aix-la-Chapelle, 
comme  les  deux  premiers,  est  daté  de  iSiy,  et  présente  le 
portrait  d'un  auteur  qui,  par  une  particularité  singulière, 
est  la  copie  de  celui  que  Wœiriot  a  gravé  quarante-cinq 
ans  plus  tard. 

Le  sixième  instrument,  qui  appartient  au  prince  Nicolas 
Youssoupow,  de  Saint-Pétersbourg,  dont  le  manche  est 
sculpté  en  tête  de  vieillard,  et  dont  la  table  de  fond  porte  un 
paysage,  doit  être  celui  que  Kiesewetter  et  Wasielewski 
ont  signalé  chez  Riechers,  luthier  à  Berlin  :  il  porte  l'éti- 
quette suivante  :  Gaspard Duiffoprugcar  Boiioniensis  a.  1515. 

Nous  rangerons  dans  la  même  catégorie  un  autre  violon, 
daté  de  iSai,  dont  parle  le  dernier  auteur  que  nous  venons 
de  citer.  Enfin,  nous  signalerons  une  lyre,  dite  lyra  da 
hraccio,  appartenant  à  M.  A.  Hajdecki,  magistrat  à  Mostar 
(Herzégovine).  Cet  instrument  à  cordes  pincées,  au  manche 
richement  c?a/??r75^wme  d'or,  aux  coins  finement  dessinés,  pré- 
sente un  grand  intérêt  que  son  possesseur  a  fait  ressortir  dans 
une  savante  monographie  ^  D'après  ce  document  que 
M.  Hajdecki  a  bien  voulu  nous  adresser  en  l'accompagnant 
de  photographies  et  de  dessins,  nous  croyons  qu'il  s'agit  d'une 
pièce  italienne  du  commencement  du  xvi*^  siècle.  Il  ne  perdra 
rien  de  sa  valeur  à  la  suppression  de  son  étiquette,  identique 


*  Die  ilalienische  lyra,  da  hraccio,  Mostar,  1892. 


GASrAîlD   duiffophoucaut  87 

à  celle  du  violon  du  prince  Youssoupow  :  Gaspard  Dui/fo- 
priic/gar  lyGuonicnsis  aniio  1515. 

Mais  n'insistons  pas  sur  ces  instruments,  dont  plusieurs 
ont  déjà  été,  de  la  part  de  G.  Hart  et  de  Vidal,  l'objet  de 
prudentes  réserves,  et  concentrons  notre  attention  sur  quel- 
ques pièces  plus  caractéristiques  qui  ont  le  bonheur  de  ne 
point  porter  d'étiquettes  aussi  compromettantes,  et  sur  les- 
quelles a  été  plus  spécialement  basée  l'existence  d'un  style 
propre  à  notre  luthier.  On  en  compte  généralement  quatre, 
dont  trois  basses  de  viole  et  un  violon. 

L'instrument  le  plus  important  au  point  de  vue  historique 
est  certainement  la  basse  de  viole  dite  au  plan  de  la  ville  de 
Paris.,  qui,  après  avoir  appartenu  à  Roquefort,  a  passé  aux 
mains  d'un  amateur  parisien,  M.  Raoul,  puis  a  été  achetée 
par  Yuillaume.  Depuis  la  mort  de  ce  dernier,  elle  a  eu 
encore  plusieurs  vicissitudes,  et  enfin  est  entrée  dans  le  riche 
musée  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  oi^i  nous  avons  pu 
l'étudier  il  y  a  quelques  mois. 

Ses  dimensions  sont  plus  petites  que  celles  du  violon- 
celle :  si  nous  prenons  pour  type  de  ce  dernier  instrument 
le  Stradivarius  célèbre  de  Duport  et  de  Franchomme,  nous 
obtenons  les  mesures  comparatives  suivantes  : 


Basse  de  Bruxelles. 

^• 

io! 

lonccUc  clc  S'.radiva 

Longueur  totale  du  corps. 

70  centimètres. 

73  centimètres. 

Largeur  du  haut 

28      _     1/2 

34          - 

—       du  milieu  des  C. 

22       — 

24          - 

—       du  bas 

38      — 

44         — 

Longueur  de    rouvcrlure 

des  ouïes 

1 1       — 

17         — 

Actuellement,  l'instrument  est  monté  au  diapason  du 
violoncelle,  mais  n'a  pas  été  joué  suffisamment,  depuis  qu'il 
est  à   Bruxelles,  pour  qu'on  soit  fixé   sur  la  valeur  de  cet 


38  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl°    SIECLE 

accord.  Bon  nonil^re  d'amaieurs,  enlre  autres  noire  savant 
ami,  M.  Morcl  de  Voleine,  l'ont  entendu  à  Paris,  lorsqu'il 
appartenait  à  M.  Raoul,  et  ont  pu  juger  de  la  douceur  péné- 
trante de  ses  sons.  Du  temps  de  Roquefort,  voici  quel  était 
son  accord  : 

U — ^^-^ 


jSI 


On  est  frappé  tout  d'abord  de  la  richesse  et  de  la  variété 
de  sa  décoration.  Le  manche  se  recourbe  en  avant  sous  la 
forme  d'une  tête  de  cheval  assez  grossière,  mais  sa  face  pos- 
térieure est  recouverte  de  sculptures  compliquées  et  très 
délicates  représentant  une  tète  de  femme,  deux  lions,  un 
satyre  jouant  de  la  flûte  de  Pan,  le  tout  encadré  d'animaux, 
de  fruits  et  d'instruments  de  musique.  Le  tire-corde  lui- 
même  est  recouvert  d'incrustations  où  sont  fî^jurés,  outre 
plusieurs  ornements,  une  femme  jouant  du  luth  et  un  chien 
attaché  par  un  collier. 

La  table  de  dessus  est  en  sapin,  le  fond  et  les  éclisses  sont 
en  érable.  La  première  partie  est  recouverte  d'un  vernis 
rouge  mal,  celui  du  reste  de  la  caisse  est  jaune  et  plus  bril- 
lant. Même  contraste  enlre  le  caractère  des  décorations  des 
deux  faces.  11  n'y  a  sur  le  devant  que  des  peintures  en  cou- 
leur noire  représentant  des  papillons,  un  bouquet  de  roses 
et  d'œillets  sortant  d'un  pot,  des  oiseaux  sur  une  branche,  et 
un  bâtiment  à  plusieurs  corps  oîi  l'on  remarque  une  tour 
et  une  pagode  chinoise  :  bref  un  décor  hollandais  du 
xvii*^  siècle.  La  face  postérieure,  au  contraire,  est  couverte  en 
marqueteries  en  bois  multicolores  du  travail  le  plus  compli- 
qué. Tout  le  haut  est  rempli  par  une  scène  religieuse  que 
paraît  avoir  inspirée  la  vision  d'Ezéchicl  de  Raphaël  :  elle 
représente  un  saint  Luc  vu  de  profil,   assis  sur  un  bœuf,  et 


GASPARD    DUIFFOPROUCAlîT  89 

s'enlevaiil  clans  les  airs  vers  des  nuages  d'où  sorleiil  des  Irom- 
peLles  embouchées  par  des  anges.  En  bas,  un  plan  cavalier 
figure  une  ville  considérable  traversée  par  un  fleuve  parsemé 
d'îles  et  entourée  de  murailles  :  plus  de  200  maisons  mesu- 
rant à  peine  un  centimètre  carré  et  d'autres  édifices  consti- 
tuent le  fond  de  ce  décor  pittoresque  où  circulent  même 
cpielques  hommes  microscopiques.  Une  inscription  porte  le 
nom  de  Pnj^i.s  et  nous  avons  trouvé  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale '  un  plan  presque  identique  de  cette  ville  auquel  est 
assignée  la  date  de  i564.  Pour  compléter  la  description 
de  ces  marqueteries,  indiquons  plusieurs  bouquets  de  fleurs 
sur  le  pourtour  des  sujets  principaux. 

L'instrument  a  dû  subir  des  remaniements  attestés  par 
les  traces  de  recoupages  sur  les  côtés  des  tables  et  aussi 
par  des  tentatives  pour  donner  la  forme  des  //  du  vio- 
loncelle aux  ouïes  qui  avaient  été  primitivement  dessinées 
en  ce  comme  pour  les  violes.  Notons  enfin  V absence  de 
toute  étiquette^  monogramme  ou  autre  marque  quelconque 
pouvant  se  rapporter  au  nom  du  fabricant. 

Notre  impression  première  à  la  vue  de  cette  basse  nous 
avait  fait  croire  à  un  instrument  composite  dont  le  fond 
seul  pouvait  être  daté  rationnellement  du  xvi^  siècle.  Nous 
avons  été  heureux  de  voir  partager  notre avispar  M.  Mahillon, 
puis  par  M.  Chardon,  luthier  à  Paris.  Ce  dernier,  qui  est  très 
versé  dans  l'étude  des  pièces  attribuées  à  Duifloproucart, 
possède  une  basse  de  viole  qui  contraste  avec  la  précédente 
par  sa  pureté,  tout  en  présentant  des  analogies  frappantes 
avec  ses  parties  marquetées.  C'est  un  instrument  de  très 
petit  modèle,  dont  la  longueur  totale  du  corps  n'est  que  de 
65  centimètres,  soit  5  centimètres  de  moins  que  l'instrument 
de  Bruxelles.  Le  manche  est  également  sculpté  en  tète  de 

'  Bibl.  uat.,  cab.  des  Estampes,  livre  IV,  2. 


4o  L:",S    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVi'    S'KCLE 

cheval,  mais  plus  élégammeni,  et  sans  autres  ornemenls  à 
sa  face  postérieure  qu'une  crinière  peu  fournie.  La  table 
antérieure  est  unie,  mais  le  fond  est  garni  de  marqueteries 
représentant  sur  les  côtés  des  bouquets  de  fleurs,  et  au 
centre  le  groupe  d'un  évangéliste  et  d'un  ange  ;  de  plus  il 
porte  la  marque  ^v  et  le  distique  latin  viva  fin.,  etc.,  inscrits 
sur  la  gravure  de  Wœiriot. 

Nous  n'avons  pas  vu  la  troisième  basse  de  viole,  qui,  en 
1876,  appartenait,  d'après  Vidal,  à  M.  de  Vaziers,  mais  la 
gravure  que  Hillemaclier  lui  a  consacrée  dans  l'ouvrage  de  ce 
dernier  auteur,  et  des  calques  pris  par  M.  Chardon  nous  per- 
mettent de  nous  en  faire  une  idée  assez  exacte  et  de  ratta- 
cher son  style  à  celui  des  instruments  précédents.  On  la 
connaît  sous  le  nom  de  la  basse  de  viole  au  vieillurd  clans 
la  chaise  d'enfant,  d'après  un  sujet  italien  que  la  marquete- 
rie a  reproduit  sur  son  fond  avec  d'autres  ornements  et  le 
monogramme  de  l'artiste.  Le  manche  porte  une  tête  de  che- 
val identique  à  celle  de  la  basse  de  M.  Chardon  ^ 

Enhn,  le  musée  du  Conservatoire  de  Paris  possède  depuis 
peu  d'années  (car  nous  n'en  trouvons  pas  trace  dans  la  pre- 
mière édition  du  catalogue  de  Chouquet  publiée  en  iSyS) 
un  violon  attribué  à  DuifToproucart .  C'est  un  instrument 
d'une  forme  assez  lourde,  dont  le  patron,  primitivement 
grand,  a  été  recoupé  par  Chanot,  mais  dont  les  ouïes  sont 
dessinées  en  //  très  pures,  et  dont  la  tête  est  sculptée  en 
volute  classique.  Les  deux  faces  sont  garnies  de  marqueteries 


^  M.  Chardon  nous  a  dit  qu'il  existerait  en  Suisse  une  quatrième 
basse  de  viole  du  même  style  que  les  précédentes.  I^nfin  nous  croyons 
épuiser  dans  cette  étude  la  liste  de  tous  les  instruments  attribués  à 
Gaspard  DuifToproucart,  en  signalant  un  luth  que  Niederheitmann 
(loc.  cit.)  indique  sans  détails,  d'après  un  travail  d'Ed.  Schebek  (de 
Prague)  que  nous  n'avons  pu  nous  procurer. 
N°  1  du  catalogue  de  1884. 


GASPAHÎ)    DUIFFOPROUCART  ^1 

figurant  des  Heurs  reliées  par  des  filets  et  un  coq  au  centre 
de  la  table  de  fond.  Ces  ornements  contrastent  par  leur 
grossièreté  avec  ceux  des  trois  basses  de  viole  précédentes. 
Quant  à  l'attribution  de  l'auteur,  elle  est  indiquée  par  une 
profusion  d'inscriptions  dont  la  multiplicité  elle-même  est 
un  argument  contre  leur  authenticité  et  qui  du  reste  font 
presque  complètement  défaut  dans  les  calques  que  M.  Char- 
don a  pris,  il  y  a  un  certain  temps,  de  ce  violon.  Outre  la 
marque  ^  et  le  distique  latin,  nous  avons  sur  la  table  du 
fond  les  inscriptions  Gaspard  Diiiffoprugcar  et  Lyon  15.. 
en  outre,  dans  l'intérieur  de  la  caisse,  l'étiquette  suivante, 
imprimée  à  la  manière  des  luthiers  italiens  postérieurs  : 
Gaspard  Diiiffoprugcar  à  la  cosle  Saint-Sébastien  à  Lyon. 

Quelles  que  soient  les  réserves  qu'on  puisse  faire  sur  la 
date  de  cette  dernière  inscription,  elle  n'en  constitue  pas 
moins,  abstraction  faite  de  l'instrument  auquel  elle  est 
adaptée,  une  indication  dont  les  documents  biographiques 
produits  plus  haut  démontrent  l'importance.  Il  est  pos- 
sible qu'elle  soit  la  copie  d'une  étiquette  semblable  que 
Roquefort  signale  sur  une  basse  de  viole  ornée  de  mar- 
queteries représentant  le  Moïse  de  Michel- Ange  et  qui  paraît 
avoir  disparu  depuis  lors  *.  Nous  ne  pourrions  attribuer  une 
valeur  égale  à  une  autre  étiquette  signalée  par  Vidal  dans 
laquelle  la  coste  Saint-Sébastien  est  remplacée  par  la  coste 
Saint-André,  point  topographique  au  moins  problématique 
à  Lyon  pendant  le  xvi^  siècle. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  trois  basses  de  viole  que  nous  avons 

*  Roquefort  signale  (loc.  cit.)  sur  un  de  ses  instruments  une  sala- 
mandre incrustée  :  la  présence  de  cet  emblème  ne  prouve  nullement 
qu'il  ait  appartenu  à  f'rançois  I'^''',  nous  l'ail  observer  notre  savant  ami, 
M.  J.-B.  Giraud,  conservateur  du  Musée  archéologique  de  la  ville  de 
Lyon,  qui  a  vu  des  salamandres  sur  des  armes  fabriquées  sous  les  der- 
niers \^alois. 


42  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    Xvf    SlȫLE 

décrites  présentent  entre  elles  des  affinités  de  facture  suf- 
fisantes pour  les  attribuer  au  même  maître  et  pour  leur 
assigner  une  place  à  part  dans  l'histoire  de  la  lutherie.  Leurs 
marqueteries  caractéristiques  témoignent  d'une  habileté  rare 
et  d'un  sentiment  très  vif  du  coloris  et  du  pittoresque,  mais 
nous  ne  pouvons  en  déduire,  comme  certains  auteurs  l'ont 
fait,  que  leur  auteur  soit  un  artiste  italien.  On  sait  avec  quelle 
perfection  le  bois  a  été  travaillé  de  bonne  heure  en  Italie,  et 
dès  la  fm  du  xv'  siècle  les  intnrsiatori  du  nord  de  la  Pénin- 
sule savaient  produire  des  œuvres  d'une  délicatesse  et  d'une 
élégance  dont  la  comparaison  avec  les  ornements  de  nos 
basses  conduit  à  attribuer  ces  derniers  à  une  école  différente, 
d'origine  plus  septentrionale.  Cette  opinion,  que  nous  pou- 
vons appujersur  l'autorité  de  M.  E.  Molinier,  le  savant  con- 
servateur du  musée  du  Louvre,  s'impose  encore  plus  facile- 
ment à  l'examen  du  violon  du  Conservatoire  de  Paris.  Il  est 
bon  de  signaler  ici  l'absence  du  nom  de  DuitToproucart  dans 
les  monographies  spéciales  de  Finochietti  *  et  d'Erculei  ^, 
absence  surtout  frappante  chez  le  premier  de  ces  auteurs  qui, 
pour  le  xvi^  siècle,  ne  cite  pas  moins  de  127  artistes  italiens 
ayant  travaillé  le  bois  comme  sculpteurs  (intagliatori)  ou 
comme  marqueteurs  (intarsiaiojH). 

Gaspard  Duiffoproucart  se  présente  à  nous  comme  un  per- 
sonnage assez  important  pour  qu'on  puisse  supposer  qu'il  a 
joué  dans  la  lutherie  le  rôle  d'un  chef  d'école;  mais  les  docu- 
ments historiques  nous  manquent  pour  étajer  cette  hypo- 
thèse. En  fait  d'élèves,  on  ne  peut  lui  attribuer  que  son  fils 
Jean,  dont  on  n'a  aucune  œuvre  et  qui  n'est  connu,  jusqu'à 


^  Délia  sculiliira  e  larsia  in  legno^  I^Iorence,   1873. 
-  Esposizione  di  industrie   artisliche  (i885),    inlaglio  e  tarsia   in 
lec/no,  Rom  a. 


GASPAUD    DUIFFOPROUCART  4^ 

présent,  que  par  l'unique  pièce  le  concernant  que  nous  avons 
découverte.  A-t-il  quitté  Lyon  après  avoir  liquidé  ses  dettes 
par  sa  donation  de  i585  et  cherché  ailleurs  une  compensation 
à  l'expropriation  ruineuse  de  la  maison  paternelle?  La  chose 
est  très  admissible.  Quant  à  l'acte  notarié  en  question,  il 
nous  intéresse  surtout  par  la  signature  autographe  qui,  à 
défaut  de  celle  de  Gaspard,  nous  fixe  sur  la  forme  qu'il  faut 
désormais  adopter  pour  le  nom  patronymique  de  ces  luthiers. 
Le  lecteur  a  pu  constater  que,  nous  basant  sur  les  habitudes 
des  scribes  du  xvi^  siècle,  nous  avons  admis  une  assez  large 
marge  dans  les  variantes  que  l'orthographe  de  ce  nom  a  pu 
subir  dans  nos  Archives*.  Toutes  pourtant,  sauf  celle  de  la 
lettre  de  naturalisation  de  i558  (Dieffenbruger)^  évoluent 
autour  de  la  version  de  Wœiriot  (Duiffoprugcar).  Nous  ne 
méconnaissons  pas  la  pureté  étymologique  de  l'appellation 
allemande  (Tie/Jenhrùckei\  de  tief\  profond,  et  Bruche, 
pont),  à  laquelle  vient  servir  de  pendant  Ilochbrùcker  (de 
hoch,  élevé,  et  Brûcke^  pont),  nom  de  luthiers  bavaroisqui  tra- 
vaillaient au  xviii*^  siècle  à  Donauwerth.  Mais  la  précision  de 
la  marque  répétée  trois  fois  sur  la  gravure  de  Wœiriot  ne 
permettrait  déjà  pas  de  prendre  un  T  pour  initiale  de  l'ar- 
tiste, et,  toutes  réserves  faites  sur  la  forme  primitive  du  nom, 
nous  croyons  qu'il  faut  jusqu'à  nouvel  ordre  s'incliner 
devant  la  signature  autographe  de  Jehan  DuifToproucart. 


Il  est  rationnel  de  rattaclier  à  la  famille  de  nos  deux 
luthiers  lyonnais  et  de  leur  homonyme  do  Lucerne  un  groupe 
d'artistes  établis  dans  l'Italie  du  nord  à  la  fm  du  xvi*^  siècle 
et  au  commencement  du  xvii*^  siècle,  sur  lesquels  le  Traité 


'  Dans  certains  actes  où  le  nom  est  répété,  il  Test  avec  des  variations 
orthographiques  notables. 


44  -■•■3    I/LlTiinniS     LYONNAIS    AU    X\i''    SIÈCLE 

du  lu/h  déjà  cité  d'E.-G.  Baron  donne  des  renseio-nemenls 
inléressanls.  Cet  auteur  célèbre  liautemenL  l'habileté  et 
l'élégance  de  i'aclure  de^  lullis  produits  par  les  ateliers 
padouans  et  vénitiens  de  trois  Ticffenbruckcr  qui  répondent 
aux  prénoms  de  Magnus,  Vendeîinus  et  Leonardus;  il  cite 
parmi  leurs  meilleurs  élèves  Vendelino  Venere  et  Michel 
Hartung. 

Plusieurs  instruments  des  maîtres  de  cette  école  sont 
arrivés  jusqu'à  nous  et  témoignent,  conformément  à  l'opi- 
nion de  Baron,  d'un  style  italien  beaucoup  plus  pur  que 
celui  de  Gaspard  DuifToproucart.  Voici  quelques  notes 
descriptives  sur  ceux  qui  étaient  réunis  l'an  dernier  dans  les 
vitrines  de  l'Exposition  musicale  et  théâtrale  de  Vienne^  : 

1°  Un  chitaiTone,  signé  Magno  Die/fopruchnr  Venitùi 
1606,  en  bois  de  rose  avec  incrustations  d'ivoire  ;  longueur 
=  i*",()5;  largeur  =  4^  centimètres;  épaisseur  =:  i8  centi- 
mètres; appartient  à  sir  George  Donaldson,  de  Londres  ; 

2°  Un  grand  chitarrone  ou  théorbe  romain,  signé  Macjno 
Diefjopruchnr  a  Venetia;  instrument  monté  de  12  cordes 
principales  et  de  8  cordes  sympathiques;  appartient  à  l'ar- 
chiduc François-Ferdinand  d'Autriche-Este  (ancienne  collec- 
tion de  Modène); 

3°  Un  luth^  signé  Mu  (/no  Diejjopruchnr  a  Venitiii  J6!^0  ; 
appartient  au  musée  instrumental  de  l'Ecole  royale  acadé- 
mique de  musique  (Kônigliche  ukademische  Ilochschule  fur 
Musik)  de  Berlin; 

4^  Une  mandole,  signée  Magnus  Dieffenbruger  i69f ,  delà 
même  collection. 


*  Sir  George  Donaldson  a  eu  l'obligeance  de  nous  envoyer  des 
renseignements  sur  le  premier  de  ces  inslrumenls;  pour  les  autres, 
nous  avons  puisé  dans  le  catalogue  de  la  section  allemande  et  austro- 
hongroise  (Fnch-Kat;dog  dcr  mu';iIi-hislorischen  Ahthedang  von 
Deutschiand  unJ  Oeslerrcich-Ungarn)  àe  ri^xposilion.  Vienne,  i8()2 


GASP.^-U!)    DUIFl"<>PIlOUi",ART  4^ 

5'^  Un  Uiéorbo  sii^nc  IvLujno  Tie/fopruc/uir  ;>  Veneliii  16 10; 
insLrument  moulé  à  \.\  cordes  principales  et  lo  cordes  sur 
le  manche;  appartient  an  roi  de  Saxe; 

u'^  Un  archiluth,  signé  Mv/y/îo  Tie/fopriic;ir  nV  enclin  1607  ; 
instrument  monté  à  19  cordes  principales  cl  4  cordes  sym- 
pathiques; appartient  au  prince  ^lauricc  Lobkowilz  ; 

70  Une  lyra  di  gamba,  signée  in  Padon  Vendelinus  Tiefjen- 
hrïiker  et,  sur  une  étiquette  écrite  probablement  par  le 
fabricant,  Vendelinus  Tieffenbrïiiier  f  in  Pudoiui;  inslru- 
ment  probablement  unique,  monté  à  16  cordes  principales 
et  1 5  cordes  sympathiques  ;  appartient  à  l'arcluduc  François- 
Ferdinand  d'Autriche-Este  ; 

8"  Un  lulh  signé  Pndova  Vvendelino  Venere  de  Leonnrdo 
Tiefembrucher  iôSS^  delà  même  collection  ; 

(f  Un  théorbe  signé  /67/  Pndovn  Vvendelio  Venere^  ins- 
trument monté  de  12  cordes  principales  et  8  cordes  d'accom- 
pagnement, de  la  même  collection  ; 

10*^  Un  petit  luth  signé  Vvendelino  Venere,  à  9  cordes,  de 
la  même  collection; 

11*^  Une  harpe-sistre  signée  Piidova  Vvendelino  Venere 
de  Leonnrdo  Tiefembrucher  ;  le  corps  de  rinstrument  est 
monté  de  i5  cordes  et  percé  de  trois  rosettes  d'une  finesse 
remarquable;  il  y  a  en  outre  i5  cordes  à  gauche  du  manche 
et  du  côté  opposé  20  cordes  fixées  sur  une  sorte  de  harpe  ;  de 
la  même  collection; 

loj'  Un  archilulh  signé  in  Pitdova  V/endelio  Venere  de 
Leonnrdo  Tiefembrucher  I587\  instrument  réparé  en  i832 
par  Martin  Stoss,  de  Vienne,  monté  de  24  cordes  dont  4  sur 
une  arête  latérale,  ayant  une  caisse  de  résonance  en  ivoire, 
appartient  à  la  Société  des  amis  de  la  musique  (Gssellschaft 
der  Musihfreunde)  de  Vienne^  ; 

^  C'est  probaI)lcment  cet  instrument  que  R.  Rûhlmann  (loc.  cit.^ 
p.  200)  attribue  a  Gaspard  I^uifîoproucart, 


/^G  LES    I.UTIIIKRS    LYONNAIS    AU    XVl"    SIKCLE 

13*^  Un  théorbe  romain  ou  chitarrone,  signé  Jjenn  Dellio 
Wenere  in  Padiia  i6'2'2,  instrument  monté  de  i4  cordes,  de 
la  môme  collection. 

L'utilisation  de  ces  données  pourra  servir  de  point  de 
départ  pour  une  étude  biographique,  encore  à  faire,  de  la 
génération  en  question  des  Tiefrenbriicker*,  Leurs  aptitudes 
professionnelles  se  seraient  même  transmises  pendant  les 
siècles  suivants  jusqu'à  nos  jours,  s'il  faut  en  croire 
Niederheitmann  qui  signale  une  famille  de  luthiers  bavarois 
de  ce  nom  encore  existante^. 


Mais  ne  nous  engageons  pas  plus  avant  dans  une 
voie  qui  nous  mènerait  loin  du  programme  que  nous  nous 
sommes  tracé.  Rentré  sur  le  terrain  lyonnais,  nous  pouvons 
supposer  c7/>r/or/  qu'un  artiste  de  l'importance  de  Gaspard 
DuilFoproucart  a  dû  se  fixer  dans  un  centre  où  l'industrie  de 
la  lutherie  était  florissante  et  que,  pendant  cette  période, 
notre  ville  a  dû  compter  parmi  ses  habitants  un  certain 
nombre  d'autres  fabricants  d'instruments  à  cordes.  Cette 
supposition  se  trouve  pleinement  confirmée  par  les 
recherches  que  nous  avons  poursuivies  dans  nos  Archives 
locales  pour  tout  le  cours  du  xvi*^  siècle. 


*  D'après  M.  Hajdecki  (loc.  cit.,  p.  58  et  suiv.),  Leonardus,  qui 
paraît  avoir  été  le  chef  de  cette  école,  serait  le  fils  de  Gaspard  Duitîo- 
proucart  ;  il  aurait  été  le  père  de  Vendelinus  TielTenbrïicker  qu'il  iden- 
tifie avec  Vendelinus  Venere,  et  le  père  ou  l'oncle  de  Ma^^nus.  Rien  ne 
nous  paraît  démontrer  cette  filiation  qui  se  base,  du  reste,  au  point  de 
vue  chronologique,  sur  la  version  biographique  de  Roquefort,  et  que 
des  recherches  dans  les  Archives  de  Padoue  et  do  Venise  pourraient 
seules  établir  avec  certitude. 

*  Loc.  cit.,  p.  4. 


GASPAlî!)    DUIFFOl'UOUCAUT  4? 

Le  premier  en  date  que  nous  rencontrons  est  Nicolas  Bon- 
temps  qualifié  de  «  faiseur  d  instruments  »  dans  un  recense- 
ment de  pennonage  dressé  en  mars  i5oG  (vieux  style)*  et 
de  «  faiseur  de  manicordions  »  dans  un  rôle  de  Nommées 
exactement  postérieur  de  dix  ans  (mars  i5i6)~;  il  habite  à 
ces  deux  époques  le  quartier  du  port  du  Temple. 

Puis  vient  Honoré  de  Lœuvre,  «  faiseur  d'espinettes  ».  Nous 
trouvons  son  existence  signalée  pour  la  première  fois  en 
i5i?)  ^  et  pour  la  dernière  en  i  545  *,  avec  des  mentions  inter- 
médiaires pour  les  années  1529,  i538  et  i54o'^;  il  paraît 
avoir  habité  pendant  toute  cette  période  la  rue  Raisin, 
actuellement  Jean-de-Tournes.  Sa  mort  doit  se  placer  à  la 
fin  de  la  première  moitié  du  siècle  :  car  une  Nommée  signale, 
le  4  décembre  i55i,  «  les  hoirs  feu  Pierre  de  Lèvres  faiseur 
d'espinettes  »  comme  possédant  une  maison  dans  la  rue  Saint- 
MarceF'.  En  présence  de  cette  désignation  professionnelle, 
nous  croyons  que  le  prénom  de  celui  auquel  elle  se  rapporte 
a  été  l'objet  d'une  erreur  de  la  part  du  scribe,  celui  d'Honoré 
étant  le  seul  que  les  actes  antérieurs  accolent  au  faiseur 
d'épinettes  de  Lœuvre. 

Benoît  Lejeune,  «  faiseur  de  luths  »,  nous  est  déjà  connu 
comme  habitant  en  i557  le  même  pennonage  que  Gaspard 
DuifFoproucart,  près  de  l'église  des  Gordeliers^. 

André  Vinatte,  «  faiseur  de  violes  »,  est  signalé  dans  une 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  E  E  «  Establies  en  cas  delfroy  en  la 
ville  de  Lion  à  la  part  devers  l'empire,  faistcs  an  nioys  de  mars  mil 
cinq  cens  et  six  avant  Pâques  ». 

-  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  GC,  3i. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  GC,  260;  id.,  EE  «  Establies  devers  le 
Rosne  faictes  en  jung  i523  ». 

'i  Archives  de  la  ville.de  Lyon,  GG,  4i  et  i44. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  GG,  i36,  i38,  i43  et  281. 

"  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  GG,  44. 

"  Voir  ci-des.-us  note  1  de  la  page  24. 


48  LES    LUTHIERS    LYONN.MS    AU    XVl'    SIKCLi: 

Eslablie  du  mois  d'aoriL  i568  comme  logé  non  loin  de 
riiôLel-Dieu  ^  Cet  artiste  était  protestant  et  paya  quatre  ans 
plus  tard  sa  religion  de  sa  vie,  car  il  est  inscrit  avec  les 
qualifications  suivantes  :  «  poictevin,  industrieux  ouvrier  et 
faiseur  de  violes  »  dans  la  liste  que  Jean  Ricaud  a  dressée  des 
victimes  de  la  Saint-Barlhélemy  lyonnaise  ^. 

A  la  même  époque,  deux  luthiers  sont  installés  dans  le 
quartier  Saint-Paul,  et  figurent,  le  plus  souvent  côte  à  côte, 
dans  les  rôles  d'impositions^  et  les  recensements  de  penno- 
nages^  que  nous  possédons  entre  i568  et  10^2.  :  ce  sont  Jehan 
lielmer  et  Philippe  Flac,  dont  la  désignation  profession- 
nelle de  «  faiseur  de  luths  »  est  remplacée  deux  fois  pour  le 
second  par  celle  de  «  faiseur  de  guiternes  », La  forme  de  leurs 
noms  indique  une  origine  étrangère  et  septentrionale  :  un  de 
ces  documents  assigne  du  reste  positivement  à  Jean  Helmer  la 
nationalité  allemande.  En  outre,  un  recensement  de  protes- 
tants dressé  en  novembre  1  Sôy  '  nous  apprend  que  Philippe 


^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  EE,  «  Establies  de  la  ville  de  Lyon, 
faictes  au  mois  d'aoust  i568,  tant  du  coslé  de  Fourvières  que  du 
Rosne  ». 

-  ULscoiirs  du  massacre  de  ceux  de  la  relù/ion  réformée  fait  à  Lyon 
par  les  catholiques  ro?nains  le  vincjt-huicliesme  du  mois  d'aoust  et 
jours  ensuivants  de  l'an  1 57 '2,  p.  226  de  la  réimpression  faite  à  Lyon 
en  1848. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CG,  146,  i47,  i49)  i5o,  i53,  i54, 
275, 1197. 

^^  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  EE,  «  Rolle  du  penonage  de  la 
Pomme  rouge  commençant  au  petit  porcellet»  et  «  l*]stablies  la  ville  de 
de  Lyon  faictes  au  mois  d'aoust  i568  tant  du  costé  de  Fourvières  que 
du  costé  du  Iiosne  ». 

"•'  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  EE  (fonds  protestant),  <■<■  Roolle  de 
ceidx  de  la  religion  prétendue  réformée  demourantz  en  ceste  ville  de 
Lyon  et  au  quartier  de  la  Pomme  qui  ont  confession  de  foy  depuis  les 
derniers  troubles,  fuict  le  25  novembre  1567  au  commandement  de 
Messieurs   de  la  ville  ». 


GASPARD    l)i:iFFOPROU;".A.RT  /[() 

Flac  apparLenail  à  la  religion  réformée,  qu'il  avait  à  celle 
dale  Irenle-cinq  ans  environ  et  qu'il  était  marié,  «  chargé  de 
femme  »  dit  le  texte. 

Pierre  le  Camus,  faiseur  de  luths,  habite  également  la 
rive  droitedela  Saône  en  iSySet  en  i.^yS*;  il  est  aussi  signalé 
comme  étranger  sans  nationalité  plus  précise. 

M^  Simon,  ((  joueur  et  faiseur  de  luths  »,  est  voisin 
des  trois  artistes  précédents  et  loge  au  quartier  Saint-Paul 
dans  la  rue  de  la  Pomme-Rouge,  entre  i568  et  iSyS-. 
Dans  toutes  les  pièces  oîi  figure  cet  artiste,  le  mot  Simon 
est  suivi  d'un  blanc  indiquant  que  son  prénom  seul  nous 
est  connu. 

Pour  tous  ces  artistes,  les  textes  des  archives  portent, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  des  désignations  profession- 
nelles dont  la  précision  ne  peut  laisser  de  doute  ;  mais  nous 
croyons  que  la  liste  de  nos  luthiers  doit  encore  s'augmenter 
de  plusieurs  autres  noms. 

Des  recherches,  dont  les  résultats  sont  trop  détaillés  pour 
être  exposés  ici,  m'ont  démontré  qu'au  xvi°  siècle  Lyon 
possédait  des  fabricants  de  toutes  les  classes  d'instruments  de 
musique.  Ses  faiseurs  de  flûtes  ou  fleu fiers,  et  ses  faiseurs  de 
trompettes  ou  trompetiers,  jouissaient  en  particulier  d'une 
grande  réputation.  Si  l'on  tient  compte  de  la  spécialisation 
beaucoup  moins  étroite  qu'aujourd'hui  des  industries  artis- 
tiques de  cette    époque,   on   admettra  que   certains  de  nos 

*  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CG,  276  et  277. 

•  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CG,  147,  i5o,  i53,  i54,  i55,  275  et 
277;  id.,  EE,  «  Establies  de  la  ville  de  Lyon  faictes  au  mois  d'aoust 
i568,  tant  du  costé  de  Fourvières  que  du  costé  du  llosne  »,  <(  Revue 
d'armes  au  pennonag-e  de  la  rue  du  Ghapeau-Rouge  »  et  «  Mémoire  du 
nombrement  des  personnes  et  maisons  qui  sont  sous  les  quarteniei's 
Jehan  Pierre  Ghristofle  et  Tachon,  rue  des  Albergeries,  commençant 
depuis  le  port  Saint-Pol  jusques  à  la  maison  du  sieur  Lionel  de  Barge 
du  costé  du  matin  «. 


03  LES    LUTÎIK'US    LYONNAIS    AU    XVl"    SIKCLK 

lulhiers  pouvaient  ii3  pas  fabriquer  exclusivement  des 
instruments  à  cordes  et  se  trouver  ainsi  désignés  seulement 
comme  «  faiseurs  d'instruments  ».  Voici  les  personnages  dont 
les  archives  spécifient  ainsi  la  profession  : 

Mathelin  (ou  Mathieu)  de  La  Noue,  qualifié  tour  à  tour  de 
«  faiseur  d'instruments  »,  de  «  fleustier  »  ou  «  floteur  »  et 
de  «  menestrier  »,  habite  dans  le  quartier  Saint-Paul  au 
commencement  du  siècle,  ou,  pour  nous  en  tenir  à  nos 
dates  officielles,  en  i523,  1629,  i53o  et  i538^  Il  était  mort 
en  i555,  car  le  29  novembre  de  cette  année,  Jeanne  Pavalier, 
sa  veuve,  assistait  au  contrat  de  mariage  de  sa  nièce  Claudine 
Pavalier,  qui,  veuve  elle-même  de  François  Marchant,  épou- 
sait Toussaint  Faure  -.  Ce  dernier,  également  faiseur  d'ins- 
truments, ne  profita  pas  longtemps  de  cette  union  :  car  le 
3i  octobre  i564i  Claudine  Pavalier  convolait  en  troisième 
noce  avec  Gabriel  Chardon  ^,  riche  musicien  désigné  dans 
des  actes  nombreux  surtout  comme  «  joueur  d'instru- 
ments »,  etqui  devaiten  15^2  partagera  la  Saint-Barthélémy 
le  sort  d'André  Yinatte  *. 

Au  milieu  du  siècle,  entre  1 545  et  1 552  '',  Luc  Gentil,  «  fai- 
seur d'instruments  »  et  «joucir  de  cornet  »,  habite  dans  la  rue 
du  Garillan.  Ce  personnage  paraît  avoir  joui  d'une  certaine 
aisance,  car  il  était  propriétaire  d'une  maison  à  la  cote  Saint- 


'  Archives  de  la  ville  de  Lyon^  GC,  13;,  i-ii\  id.,  CG  bis,  lyS  ;  id. 
EE,  «  Establie  devers  Fourvières  faicLe  en  juiig  i523  ». 

2  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  FF,  «  Ncufviesme  volume  des  dona- 
cions  présenté  au  g-reffe  des  insinuacions  de  la  ville,  païs  et  seneschaus- 
sce  de  Lyon  »,  fol.  2. 

3  Archives  départementales  du  Rhône,  B  :  insinuations  du  4  juillet 
i566  au  6  novembre   i568  ;  fol.  124. 

*  Voir  le  discours  de  Jean  Ricaudcité  plus  haut,  note  2  de  la  page  48. 

^  Archives  de  la  ville  de  Lyon  GG,  40  et  44;  id.,  GG  Lis,  826; 
id.,  EE,  «  Establys  de  la  ville  de  Lyon  faictesen  fan  i545  devers  Four- 
vières ». 


GASPAUl)    r.UIFFOPllOUCAUT  ôl 

Sébastien,  comme  Gaspard  Duiffoproiicart,  et  proche  parent 
(probablement  frère)   d'un  riche    correcteur  d'imprimerie. 

La  fin  du  siècle,  très  pauvre  en  documents  musicaux,  nous 
fournit  pourtant  encore  un  faiseur  d'instruments,  François 
Furet  :  les  archives  de  la  Charité  nous  apprennent  qu'il  a 
épousé  en  i583  Jacqueline  Lasallc,  fdle  adoptive  de 
l'Aumône  générale  et  a  reçu  pour  ce,  le  2  5  juillet  de  cette 
année,  une  dot  de  i3  écus  20  sols  ^ 

Enfin  nous  noterons  en  loyS  et  iSyS"  un  «  vendeur 
d'instruments  »  étranger,  l'italien  Nicolas  Juli,  établi  du 
côté  de  Fourvière. 

Le  dernier  nom  porte  à  quinze  le  nombre  des  luthiers 
lyonnais  du  xvi*^  siècle.  Rien  ne  prouve  que  la  liste  en  soit 
définitivement  close  et  ne  puisse  s'augmenter  notablement,  si 
les  lacunes  de  nos  archives  étaient  comblées  et  si  l'on  pouvait 
suppléer,  pour  les  pièces  qui  nous  sont  parvenues,  aux  incer- 
titudes qui  découlent  de  l'absence  ou  du  caractère  vague  et 
incomplet  de  leurs  indications  professionnelles.  Quoi  qu'il 
en  soit,  on  peut  dès  à  présent  se  demander  si  l'histoire  de  la 
lutherie  lyonnaise  au  xix'^  siècle  pourra  dépasser  ou  même 
atteindre  le  chiffre  auquel  nous  arrivons  pour  le  xvi^  siècle, 
et  en  conclure,  surtout  en  tenant  compte  de  la  différence  de 
la  population,  à  la  prospérité  de  cette  industrie  pendant  la 
période  que  nous  étudions. 

Les  pages  qui  précèdent  relatent  tout  ce  que  nous  savons 
sur  ces  artistes  dont  aucune  mention,  sauf  celle  relative  à 
la  mort  de  Yinatte,  n'a  jamais  jusqu'à  présent  été  faite. 
Aucun  instrument  signé  d'eux  n'est  parvenu  jusqu'à  nous, 
du  moins  à  notre   connaissance.  Quelle  était  leur  origine  ? 


*  Archives  de  l'hospice  de  la  Charité  de  Lyon,  E,  i! 
-  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CC,  276  et  277, 


0  2  LKS   LUTiin:'.;?  i>yonn.^js   au  xvi'   S'ix'.Ll-; 

QucUg  fui  leur  destinée  au  milieu  des  guerres   de  religion 
qui  paraissent  se  traduire  pour  eux  dans  nos  Archives  par 
une  éclipse   succédant    à    une  période    exceptionnellement 
florissante  comprise  entre  le  milieu  et  le   dernier   quart   du 
siècle  ?   Notre   luthier   Le  Camus  est-il  allié  à   deux  musi- 
ciens du  même  nom  qui  ont  laissé  des  compositions  au  xvn^ 
et  au  xviii^  siècles  ?  Jean  Ilelmer  a-t-il  eu  pour  descendant 
un  bon  luthier  de  Prague,  Garl  Ilelmer,  qui  a  signé  des  ins- 
truments à  cordes  entre  ij35  et  iy5o  ?  Autant  de  questions 
que  nous  devons  pour  le  moment  nous  contenter  de  poser. 
Le  régime  de  liberté   à  peu  près  illimitée  sous  lequel  les 
professions  s'exerçaient  à  Lyon  nous  a  privé  de  documents 
assez  précis  pour  apprécier  exactement  les  conditions  socia- 
les de  telle  ou  telle  d'entre  elles.   Il  nous  est  cependant  dé- 
montré, par  de  nombreux  documents  tirés  de  nos  Archives, 
et    dont    l'exposé    détaillé    trouvera   mieux  sa  place    dans 
un  autre  travail,  que,  pendant  le  xvi^  siècle,  les  représentants 
de  l'art  musical  dans  toutes  ses  branches  ont  été  non  seule- 
ment nombreux  à  Lyon,  mais  qu'ils  ont  occupé,  dans  notre 
bourgeoisie  riche  et  travailleuse,  un  rang  honorable  appuyé 
sur  une  situation  financière  souvent  aisée  et  parfois  même 
opulente.   Or,   parmi  ces  musiciens,  les  luthiers  sont  loin 
d'occuper  la  dernière  place.  Gaspard  DuilToproucart,  Honoré 
de  Lœuvre,    Mathelin  de  Lanoue,  Luc  Gentil,  sont  proprié- 
taires d'immeubles  plus  ou  moins  importants,  et  les  chiffres 
qui  fixent  la  part  contributive  aux  diverses  impositions  des 
autres  représentants  de  la  corporation  sont  loin  de  les  ranger 
dans  la  dernière  classe  des  contribuables. 

Les  indications  professionnelles  inscrites  dans  nos  Archives, 
et  les  détails  si  précis  gravés  par  Wœiriot  dans  la  belle 
œuvre  que  nous  avons  analysée,  nous  fixent  sur  la  nature  des 
instruments  à  cordes  qui  sont  sortis  à  cette  époque  des  ate- 


(iASPAHD    DUIFFOPRorCAlîT  53 

liers  lyonnais.  Il  est  assez  curieux  que  nos  deux  premiers 
luthiers  en  date  soient  désignés  comme  facteurs  d'instru- 
ments à  clavier,  c'est-à-dire  de  manicordions  et  d'épinettes. 
Au  xvi°  siècle,  ces  ancêtres  de  notre  piano  étaient  déjà  en 
faveur;  leur  étude  faisait  partie  de  l'éducation  de  bon  nom- 
bre de  membres  des  classes  élevées;  plus  d'un  souverain, 
entre  autres  Charles-Quint,  en  jouait.  Les  dames  lyonnaises, 
dont  la  beauté  et  la  culture  intellectuelle  ont  été  chantées  par 
tous  les  poètes  du  temps,  paraissent  aussi  avoir  affectionné 
l'épinette,  entre  autres  Louise  Labé,  Pernette  du  Guillet,  et 
surtout  Clémence  de  Bourges,  douée  sur  cet  instrument 
d'un  talent  assez  grand  pour  mériter  d'être  produit  devant 
Henri  II  et  Catherine  de  Médicis  et  hautement  apprécié 
par  les  musiciens  de  leur  suite  K 

Les  épine ttes  lyonnaises  de  cette  époque  avaient  parfois 
un  grand  prix.  Ainsi  les  Archives  de  la  Charité  mentionnent 
à  plusieurs  reprises  un  de  ces  instruments  dont  malheureu- 
sement l'auteur  n'est  pas  connu,  que  l'Aumône  générale  avait 
reçu  en  gage  pour  une  créance  de  383  livres.  Après  l'avoir 
longtemps  gardé,  elle  le  fit  vendre  4oo  livres,  sur  estimation 
faite  par  des  orfèvres  et  des  organistes,  détail  dont  on  peut 
inférer  que  sa  valeur  était  à  la  fois  musicale  et  ornementale  -. 

Si  la  qualification  professionnelle  de  luthier  dérive  d'une 
étymologie  que  rien  ne  rappelle  aujourd'hui  dans  les  produc- 
tions de  ces  fabricants,  il  n'en  était  pas  de  même  au  xvi""  siècle. 
Le  luth^,  cité  presque  à  chaque  page  par  les  poètes  du  temps. 


*  Histoire  véritable  de  la  ville  de  Lyon,  par  Claude  de  Rubys,  p.  384, 
1604. 

*  Archives  de  Ihospice  de  la  Charité  de  Lyon,  passim  et  surtout  E, 
1492. 

^  Le  mot  luth  est  rarement  écrit  dans  les  archives  lyonnaises  de  cette 
époque  avec  son  orthographe  actuelle  :  ses  formes  les  plus  fréquentes 
sont  lue,  leut,  leu. 


54  LI-S    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVI®    SIKCLH 

était  alors  le  roi  des  inslrumenLs,  surlout  pour  l'accompa- 
giiement  des  voix  dans  la  musique  de  chambre.  La  guitare 
ou  guiterne,  d'origine  espagnole,  lui  faisait  pourtant  une 
concurrence  sérieuse  ',  et  nous  avons  vu  Philippe  Flac 
signalé  comme  en  fabriquant  plus  spécialement.  On  peut 
en  rapprocher  le  sistre,  dont  un  spécimen  est  figuré  dans 
le  portrait  de  Duiflbproucart. 

Il  est  intéressant  de  trouver  dans  le  même  document 
iconographique  une  petite  harpe  à  main.  On  admet  généra- 
lement que  cet  instrument,  très  en  vogue  pendant  tout  le 
moyen  âge,  est  tombé  en  désuétude  au  commencement  du 
xvi^  siècle  pour  renaître  au  xviii^  sous  sa  forme  actuelle  ; 
nous  avons  donc  la  preuve,  contraire  à  l'opinion  courante, 
qu'il  était  encore  en  usage,  du  moins  à  Lyon,  en  i562. 

Les  instruments  à  archet  étaient  représentés  chez  nous  par 
le  rebec  des  ménétriers  populaires,  par  les  violes,  plutôt 
admises  dans  la  musique  de  chambre,  enfin  par  le  violon. 
La  représentation  de  cet  instrument  dans  la  gravure  de 
Wœiriotne  laisse  pas  sur  ce  point  place  au  doute.  Mais  une 
étude  historique  de  la  lutherie  de  cette  époque  nepeutse  dis- 
penser d'insister  davantage  sur  cet  instrument  :  nous  y 
sommes  d'autant  plus  tenu  que  nos  devanciers  ont  fait  jouer 
à  Gaspard  DuifFoproucart  un  rôle  plus  ou  moins  explicite, 
mais  en  général  prépondérant  dans  la  découverte  du  violon. 


Peu  de  questions  ont  fait  couler  plus  d'encre,  et  restent 


*  «  ...  Depuis  douze  ou  quinze  ans  en  çà,  tout  notre  monde  s'est  mis 
à  guiterner,  le  lue  presque  mis  en  oubli,  pour  être  en  la  guiterne  je  ne 
sais  quelle  musique,  et  icelle  beaucoup  plus  aisée  que  celle-là  du  lue  ». 
(La  manière  d'cntoucher  les  lues  et  les  c/uiternes,  petit  traité  publié  en 
i556,  attribue  autrefois  à  Bonaventure  des  Periers,  probablement  de 
r^elletier  du  Mans\ 


GASPAlîD    DUIFFOPROUCART  Dô 

pourtant  plus  ol)scures,  que  ce  problème  musicographique. 
Hâtons-nous  d'à  jouter  que  nous  n'avons  pas  ici  la  prétention 
de  le  résoudre,  mais  seulement  de  Téclaircir,  en  faisant  une 
sélection  plus  rigoureuse  dans  les  matériaux  que  nous  possé- 
dons. Nous  réagirons  surtout  contre  la  facilité  avec  laquelle 
certains  auteurs  ont  édifié  l'histoire  de  la  lutherie  du  xvi" 
siècle  sur  des  instruments  de  fabricants  et  de  dates  apocry- 
phes. On  ne  saurait  trop  insister  sur  les  doutes  émis  déjà 
avant  nous  sur  ce  point  par  Vidal  et  Hart. 

En  réalité  les  violons  authentiques  du  xvi"  siècle  peuvent 
compter  parmi  les  pièces  rarissimes,  disons  même  presque 
inlrouvables.  La  plus  grande  partie  des  instruments  qui  sont 
présentés  comme  tels  rentrent  dans  la  catégorie  des  violons 
de  Gaspard  DuilToproucart  si  complaisamment  décrits  par 
Niederheitmann.  Les  autres  proviennent  de  violes  recoupées, 
genre  d'industrie  très  largement  pratiquée  au  commence- 
ment de  notre  siècle,  pour  satisfaire  coûte  que  coûte 
l'engouement  de  l'amateur  pour  la  lutherie  ancienne.  En 
somme,  nous  ne  connaissons  aucun  violon  de  la  première 
moitié  du  xvi*  siècle,  et  nous  demandons  si  pour  la  seconde 
moitié  il  en  existe  qui  aient  une  authenticité  inattaquable, 
sauf  deux  ou  trois  instruments  de  Gaspar  da  Salô.  Les  pro- 
ductions de  la  première  génération  des  Amati  restent  aussi 
problématiques  que  leur  vie;  il  serait  opportun  de  serrer  de 
près  l'origine  des  violons  qu'on  prétend  avoir  été  fabriqués 
en  1572  par  André  Amati  pour  le  roi  Charles  IX,  sous 
peine  de  ne  voir  dans  cette  commande  qu'un  pendant  à  celle 
faite  par  François  P'  à  DuifToproucart. 

Une  idée  préconçue  paraît  peser  sur  cette  question  et  se 
fait  jour  surtout  dans  les  commentaires  des  auteurs  sur 
l'histoire  du  mot  français  violon  et  de  sa  traduction  italienne 
violino.  On  dirait  que  pour  eux  la  gloire  sans  rivale  de  la 
lutherie  de  la  Haute-Italie  auxvii^  et  au  xviii^  siècle  démon- 


56  Li:S    LUTHH.KS    LYONNAIS    AU    XVl"    SIÈCLE 

Irc  la  prédeslinalion  de  ceUe  région  à  la  découverlc  du  vio- 
lon ;  il  semble  fatal  que  rinslrument  nouveau  ait  dû  être 
fixé  dans  ses  formes  définitives  et  baptisé  par  la  Péninsule 
avant  que  la  France  et  les  autres  pays  en  bénéficient. 

Malheureusement  le  mot  violon,  qui  n'est  pas  la  traduction 
exacte  de  violino,  est  passé  du  provençal  dans  notre  langue, 
non  vers  i55o,  comme  le  prétendent  les  partisans  de  la 
théorie  en  question,  mais  à  une  époque  très  antérieure  ;  non 
seulement  il  est  usité  à  Lyon  en  i548,  mais  il  figure  en 
i533  dans  les  dépenses  secrètes  de  François  P^*,  et  M.  Jac- 
quot  le  signale  en  Lorraine  dès  1490  ^-  Par  contre,  Federico 
Sacchi  paraît  avoir  établi  que  le  mot  violino  ne  se  trouve 
pas  dans  la  langue  italienne  avant  i562^.  Mais  nous  nous 
reprocherions  de  prolonger  cette  discussion  linguistique  ; 
car  rien  ne  nous  démontre  que  jusqu'au  milieu  du  xvi^ 
siècle  les  instruments  appelés  violons  aient  eu  les  carac- 
tères essentiels  de  ceux  auxquels  on  a  donné  depuis  lors 
ce  nom. 

Une  particularité  sur  laquelle  on  ne  saurait  trop  insister 
contribue  encore  à  obscurcir  les  débuts  du  violon  :  c'est  le 
caractère  exclusivement  populaire  et  roturier  qu'il  a  eu  à  son 
origine  et  a  conservé  au  moins  jusqu'à  la  fin  du  xvi^  siècle. 
Ce  noble  instrument  tranchait  par  l'éclat  et  la  franchise  de 
son  timbre  avec  les  sonorités  discrètes,  si  à  la  mode  alors, 
des  luths,  des  guitares  et  même  des  violes.  Aussi,  ne  le 
voyons-nous  pas  figurer  dans  le  mobilier  des  grands  per- 
sonnages du  temps.  Son  étude  ne  fait  pas  partie  de  l'éduca- 


*  Acquit  sii^né  le  23  juin  i533  à  Lyon,  in  Comples  des  bâtiments  du 
roi  (loc.    cit.). 

^  La  Musique  en  Lorraine,  p.  23. 

^  La  prima  comparsa  délia  parola  violino  nei  documenli  dei  secolo  xvi 
(Gazclla  musicale  di  Milarw,  G  septembre  1891). 


tion  des  gens  comme  il  faut.  Lorsque  Rabelais  formule  les 
préceptes  pédagogiques  de  son  Gargantua',  il  fait  une  large 
part  à  la  musique,  et  son  héros  apprend  à  jouer  du  luth. 
de  l'épinette,  de  la  harpe,  de  la  flûte  d'Allemagne  (traver- 
sière),  de  la  viole  et  de  la  saquebute  (trombone),  mais  non 
du  violon. 

A  la  fin  du  siècle  seulement,  le  nouvel  instrument  fait 
une  apparition  dans  l'orchestration  assez  incohérente  du 
Ballet  comique  de  In  Reine  (i58i)  et  il  attendra  encore  plus 
de  vingt  ans  pour  être  introduit  dans  l'instrumentation 
théâtrale  rationnelle  par  Claudio  Monteverde,  le  grand  révo- 
lutionnaire orchestral,  le  Berlioz  de  son  époque  :  on  sait  que 
la  partition  de  son  Orfeo  (1607)  intentionné  duoi  piccoli 
violini  a  la  francese,  désignation  dont  on  a  cherché  en  vain 
à  diminuer  la  gravité  au  point  de  vue  des  droits  de  priorité 
de  l'Italie. 

En  réalité,  le  roi  actuel  de  nos  orchestres  était  au  xvi'^  siècle 
réservé  aux  musiciens  populaires  et  destiné  à  accompagner 
les  chansons  elles  danses  des  petites  gens.  Lorsqu'il  se  faisait 
entendre  devant  les  grands  personnages,  c'était  dans  les 
cortèges  et  en  plein  air,  à  la  manière  de  nos  instruments 
de  fanfares  et  d'harmonies.  Nous  nous  contenterons,  pour 
démontrer  ce  que  nous  venons  d'avancer,  de  deux  preuves 
empruntées  à  l'histoire  musicale  lyonnaise. 

Nos  Archives  mentionnent  un  grand  noml^re  de  musiciens 
populaires  pour  cette  époque  :  or  il  est  à  remarquer  que, 
tandis  que  nous  rencontrons  à  Lyon,  pendant  la  première 
moitié  du  siècle,  des  meneslriers,  des  taborins^  des  rebequets 
ou  Joueurs  de  rebec,  ces  désignations  professionnelles  font 
défaut  à  partir  du  moment  où  apparaît  dans  nos  actes  le  mot 

'  Gh.  23, 


58  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU     XVl^    SIÈCLE 

violon,  et  certains  musiciens  qui  se  trouvent  cités  pendant 
une  longue  période  portent  une  des  premières  qualifications 
jusque  vers  i55o,  et  exclusivement  la  dernière  à  partir  de 
cette  date. 

En  outre,  les  comptes  de  la  ville  mentionnent  des  violons 
parmi  les  personnages  qui  ont  pris  part  aux  fêtes  qui  se 
sont  succédé  pendant  huit  jours  lors  de  la  célèbre  entrée  de 
Henri  II  et  de  Catherine  de  Médicis  en  i548'.  Mais  il  est 
certain  que  ces  musiciens  ont  figuré  en  plein  air,  en  parti- 
culier aux  sortes  de  régates  qui  furent  données  sur  la  Saône, 
et  n'ont  pas  paru  à  la  représentation  théâtrale  offerte  à  ses 
hôtes  royaux  par  le  cardinal  de  Ferrare.  Car  nous  possédons 
un  récit  de  cette  entrée  dans  lequel  le  compte  rendu  de  cette 
dernière  partie  du  programme  indique  jusqu'à  l'orchestration 
des  morceaux  de  musique  qui  y  furent  exécutés,  et  le  violon 
n'y  figure  pas-. 

Un  siècle  plus  tard,  Antoine  Stradivari  devait  consacrer 
plus  de  trente  ans  à  des  travaux  et  à  des  expériences  soli- 
taires avant  d'arriver,  dans  les  moindres  détails  de  la  con- 
struction du  violon,  à  des  règles  dont  la  réalisation  constante 
continue  à  faire  à  la  fois  l'admiration  des  artistes  et  l'éton- 
nement  des  physiciens.  L'histoire  de  cet  instrument  aurait- 
elle  présenté  à  ses  débuts  un  phénomène  analogue?  Un 
seul  luthier  de  génie,  conscient  de  la  valeur  limitée  de  la  viole 
et  du  rebec,  a-t-il  su  incurver  leurs  tables,  allonger  leur 
corps,  échancrer  leurs  côtés,  formuler  rationnellement  le 
nombre  de  leurs  cordes,  en  un  mot  trouver  les  lois  essen- 


*  Archives  de  la  ville  de  Lyon,  CG,  981. 

^  La.  magnifica  et  triamphale  entrata.  del  christianissimo  Re  de 
Francia  Hem-ico  seconda  di  questo  nome,  (alla  délia  nobile  e  antiqua 
cita  di  Lione,  etc.  Relation  italienne  imprimée  à  Lyon  par  Guillaume 
Roville  en  i549. 


GASPARD    DUirrOPROUGART  5q 

tielles  du  violon  que  nous  possédons  aujourd'hui?  Faut-il 
admettre  au  contraire  les  tâtonnements  de  plusieurs  arti- 
sans ayant  collaboré  sans  le  savoir  et  peut-être  durant  plu- 
sieurs générations  au  même  but?  Les  deux  hypothèses 
sont  plausibles,  et  nous  ne  connaissons  aucune  raison  qui 
permette  de  faire  pencher  la  balance  d'un  côté  plutôt  que  de 
l'autre. 

Nous  attacherons,  à  ce  point  de  vue,  moins  d'importance 
que  nos  devanciers  aux  documents  iconographiques.  En 
réalité,  ils  sont  peu  démonstratifs,  eu  égard  aux  variantes 
innombrables  de  forme  que  les  instruments  à  archet  ont 
présentées  dans  tout  le  cours  du  moyen  âge,  variantes  qu'il 
est  trop  facile  d'interpréter  comme  des  contributions  à  la 
découverte  du  violon.  Ce  dernier  instrument  a  été,  en  somme, 
représenté  rarement  avec  tous  ses  caractères  pendant  le 
xvi^  siècle,  et  la  gravure  de  Wœiriot  fournit  une  de  ses 
premières  reproductions  en  date,  constatation  dont  nous  ne 
méconnaissons  pas  l'importance  grande,  mais  que  nous 
refusons  de  regarder  comme  une  preuve  décisive  de  l'inven- 
tion du  violon  par  Gaspard  Duiffoproucart  ^ . 

Des  recherches  nouvelles,  et,  disons-le  franchement,  plus 
approfondies  que  celles  qui  servent  de  base  aux  travaux 
contemporains  sur  l'histoire  de  la  lutherie,  sont  nécessaires 
pour  arriver  à  des  résultats  décisifs  sur  cette  question  inté- 
ressante. On  voit  se  succéder  de  nos  jours  en  la  matière  des 
monographies  et  même  de  gros  ouvrages  dont  tous  les  frais 
sont  faits  par  des  redites  et  des  commentaires  subtils  sur  tel 


*  La  gravure  du  violon  de  Duiffoproucart  présente  deux  particula- 
rités inconnues  dans  les  patrons  réguliers  :  cinq  cordes  au  lieu  de 
quatre  et  des  sillets  multiples  sur  la  touche.  Nous  ferons  remarquer 
qu'il  semble  que  le  nombre  des  cordes  des  violons  primitifs  n'ait  pas 
été  fixe  :  G.  Hart  (loc.  cif.,  p.  22)  cite  un  violon  authentique  d'André 
Amati  monté  primitivement  à  trois  cordes. 


6;)  lî:s  luthikus  lyonnais  au  xvi*  siÈ('li: 

ou  tel  instrument,  parfois  douteux.  La  source  des  documents 
authentiques  sur  la  musique  est-elle  donc  tarie  et  les  archives 
locales  ne  gardent- elles  pas  dans  maintes  villes  des  mines 
inexplorées  de  renseignements  sur  ce  sujet?  MM.  Léon  de 
Burbure^  à  Anvers,  A.  Jacquot,  en  Lorraine,  Berenzi  et 
Livi,  à  Brescia,  ont  déjà  répondu  pour  nous  à  cette  question, 
et  les  résultats  de  leurs  études  indiquent  nettement,  ainsi 
que  la  nôtre,  la  voie  qui  permettra  seule,  par  le  groupement 
des  données  acquises  de  part  et  d'autre,  d'élucider  bien  des 
problèmes  historiques  actuellement  insolubles. 

Pour  celui  qui  nous  occupe,  il  faut  élargir  résolument  le 
champ  géographique  des  études  qui  sont  restées  cantonnées 
obstinément  jusqu'ici  dans  l'Italie.  N'est-il  pas  avant  tout 
rationnel  d'admettre  que  le  foyer  prépondérant  de  la  com- 
position musicale  qui  a  jeté  un  si  vif  éclat,  à  la  fin  du  xv^  siè- 
cle, en  Belgique  et  dans  le  nord  de  la  France,  a  dû  correspon- 
dre à  des  écoles  de  lutherie  dont  les  maîtres  ont  été  les 
précurseurs  des  luthiers  de  l'Italie  du  Nord,  comme  leurs 
compatriotes  compositeurs  ont  frayé  la  voie  aux  Palestrina 
et  aux  Monte verde?  Et,  en  effet,  dès  le  xv^  siècle,  il  est 
question  dans  l'histoire  des  Pays-Bas  de  bons  fabricanls 
d'instruments  à  cordes,  entre  autres  du  brabançon  Lewis 
ou  Lodewyk  van  Vaelbeke,  personnage  encore  peu  connu, 
avouons-le  :  leurs  œuvres  étaient  hautement  prisées,  ce  dont 
témoigne  d'une  manière  décisive  leur  présence  en  grand 
nombre,  dans  le  curieux  catalogue  qu'a  publié  E.  Mûntz, 
du  mobilier,  dispersé  en   1494?  ^^s  Médicis,  ces  collection- 

'  Léon  de  Burbure,  Recherches  sur  les  facteurs  de  clavecins  et  les 
luthiers  d'Anvers  depuis  le  xvi^  siècle  jusqu'au  xix"  siècle  (Bull,  de 
VAcad.  royale  des  sciences^  lettres  et  heaux-arts  de  Bruxelles,  i863). 
M,  Natalis  Rondot  a  eu  l'extrême  obligeance  de  relever  pour  nous, 
dans  les  registres  de  la  gilde  en  question,  les  noms  de  ces  artistes  pour 
le  xvi^  siècle  :  ils  sont  au  nombre  de  dix-huit. 


GASPAun  ni'irroi'itoucART  6i 

neurs  émérites  ^  Puis  pendant  le  xvi^  siècle  nous  voyons 
se  succéder  parmi  les  membres  de  la  gilde  de  saint  Luc  à 
Anvers  des  luthiers  et  fabricants  de  clavecins  aux  noms  bien 
ilamands  et  dont  l'éducation  paraît  s'être  faite  entièrement 
sur  place. 

Que  savons-nous  de  précis  sur  la  lutherie  allemande  de  la 
Renaissance,  en  particulier  sur  l'école  de  Nuremberg  dont 
quelques  noms  célèbres,  Conrad  et  Hans  Gerle,  HansFrey, 
Hans  Neusiedler,  ne  sont  parvenus  jusqu'à  nous  que  pour 
dénoter  son  importance,  sans  définir  son  rôle  historique  ? 
Ne  faudra-t-il  pas  aller  plus  loin  encore  pour  étudier  ces 
gigues  polonaises  (\\iQ  certains  auteurs,  entre  autres  M.  Haj- 
decki,  sont  tentés  de  regarder  comme  les  ancêtres  du  violon? 
Dès  i535,  Richard  Hume,  inaugure  à  Edimbourg,  d'après 
Sandys  et  Forster,  une  école  de  luthiers  anglais  et  écossais 
dont  les  produits  auraient  été  sans  rivaux  sous  le  règne 
d'Elisabeth^.  Ne  devrons-nous  pas  aussi  mettre  à  contribu- 
tion l'étude  de  leur  style  ? 

On  a  pu  remarquer  que  trois  de  nos  luthiers  lyonnais  ont 
une  origine  allemande,  un  quatrième  est  poitevin  :  aucun  des 
autres,  sauf  le  «  vendeur  »  Nicolas  Juli,  ne  paraît  avoir  des 
attaches  méridionales,  malgré  l'importance,  démontrée  par 
nos  archives  presque  à  chacune  de  leurs  pages,  de  l'émigra- 
tion italienne  à  Lyon.  Tout  permet  donc  de  supposer  que,  si 
nos  artistes  dérivent  d'écoles  étrangères,  c'est  au  Nord  et  non 
au  Midi  qu'il  faudra  en  chercher  le  siège. 


^  La,  collection  des  Médicis  au  xv®  siècle  :  le  musée,  la  bibliothèque, 
le  mobilier  (fol.  87  de  l'inventaire  de  i45G,  et  fol.  200  de  l'inventaire 
de  1492). 

-  Loc.  cit.,  p.  196. 


62  LF:S    luthiers    lyonnais    au    XVI*    SIÈCLE 

Quoi  qu'il  en  soit,  conservons  les  noms  de  cette  petite 
phalange  de  musiciens.  Le  plus  important  d'entre  eux  a  marqué 
définitivement  sa  place  dans  l'histoire  de  l'art  :  il  suffit  pour 
sa  renommée  qu'il  puisse  entrer  sérieusement  en  ligne  parmi 
les  inventeurs  présumés  du  violon  et  qu'il  ait,  en  tout  cas, 
été  des  premiers  à  fabriquer  des  instruments  de  ce  type. 
Gaspard  DuifFoproucart  a  illustré  notre  cité,  il  y  a  acquis  la 
nationalité  française  et  sa  dépouille  a  reposé  parmi  celles 
de  nos  pères  après  une  vie  prématurément  brisée  par  le  mal- 
heur. Sa  noble  tête  appelle  le  ciseau  du  sculpteur,  et  son  nom 
mérite  d'être  conservé  par  ceux  des  Lyonnais  dignes  de 
mémoire. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


Coppie  des  lellres patentes  du  rox^  portant  constitution  de  pension 
pour  les  héritiers  de  feu  Gaspard  Duiffoprougard  allemand, 
à  cause  de  la  maison  qu'il  avoit  et  possédoit  en  la  couste 
Sa  inct-Sêbaslicn . 


Charles,  i'au  i.\  graci;  im:  Dii:u  iiov  de  Fkangh:,  à  tous  ceul\  qui  ces 
présentes  verront,  salut.  Noz  chers  et  bien  amez  leslicritiersdc  feu  Gas- 
pard Duiiroprouf,sird,  marchand  nalif  dallemai^nie,  en  son  vivant  pauvre 
homme  faiseur  dinstrumens  musicaux,  nous  ont  très  humblement  faict 
remonslrer  que  seslant  leur  dict  feu  père  habité  en  nostre  ville  de 
Lyon,  il  se  seroit  faict  naturalisé  et  apporté  en  nostre  dicte  ville  tout 
ce  qu'il  avoit  peu  retirer  dallemaigne  tant  de  son  patrimoine  que  aultres 
ses  biens  à  lui  donnez  de  son  labeur  et  autrement,  ayant  mis  en 
deniers  tout  ce  qu'il  avoit  peu  espargner  de  son  industrie  qu'il  auroit 
employez  en  lachapl  et  bastiment  d'une  maison  où  il  souloit  demeurer 
assize  en  nostre  dicte  ville  en  la  coste  sainct  Sébastien,  laquelle  par 
nostre  commandement  auroit  été  démolie  et  abatue  l'an  mil  cinq  cent 
soixante  six,  et  tant  la  place  de  ladicte  maison  que  les  matériaux  pro- 


66  Li:S    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVI«    SIÈCLE 

veiuiz  de  la  démolition  dicelle  comme  boys,  pierre,  thuille  et  aultres 
appliquez  à  nostre  prouflit  pour  la  construcliou  de  la  citadelle  dudict 
Lyon,  de  lordonnance  de  noz  olFiciers  ayans  charge  de  ladicte  con- 
struction, auparavant  la  démolition  de  laquelle  maison  ledict  feu  Gas- 
pard père  se  sei'oit  retiré  vers  nous  et  requis  que  nostre  plaisir  fut  faire 
visiter,  priser  et  évaluer  ladicte  maison  et  appartenances  avant  qu'elle 
fut  démolie  ;  sur  quoy,  par  noz  lettres  patentes  Nous  aurions  mandé  à 
nostre  amé  et  féal  conseiller  en  nostre  conseil  privé  le  président  de 
Birague,  lors  notre  lieutenant  général  audict  Lyon,  faire  veoir  ladicte 
maison,  et,  après  quil  luy  seroit  apparu  quil  estoit  nécessaire  qu'elle 
fut  abattue  et  démolie,  la  faire  évaluer  et  priser  avant  la  démolition 
dicelle  et  nous  renvoyer  ladicte  prisée  pour  pourveoir  au  rembourse- 
ment dudict  Gaspard  comme  verrions  cstre  à  faire  ;  suyvant  lesquelles 
noz  lettres  patentes  ledict  sieur  président  ayant  eu  advis  de  Tingénieur 
ck3  ladicte  citadelle  que  ladicte  maison  et  place  devoit  eslre  dedans  le 
fossé  dicelle  citadelle,  auroit  fait  priser  ladicte  maison,  laquelle  auroit 
été  évaluée  et  estimée  à  la  somme  de  neuf  mille  deux  cens  quarante 
cinq  livres  quatorze  solz  quatre  deniers  tournois,  en  la  présence  de 
notre  procureur  et  autres  noz  ofTiciers  dudict  Lyon  ;  après  laquelle  appré- 
ciation sestant  leur  feu  père  retiré  devers  nous  pour  en  avoir  payement, 
parceque  ronprélendoit  ladictemaison  auroitesté  trop  estimée,  par  aul- 
tres noz  lettres  patentes  du  premier  de  février  mil  cinq  cent  soixante 
sept, aurionsmandéaudictsieurde Birague  faire  apprécier  et  estimer  de 
nouveau  ladicte  maison,  ce  qu'il  auroit  faict,  et  par  la  seconde  apprécia- 
tion auroit  été  rapporté  ladicte  maison  valloir  pour  le  moins  ladicte 
somme,  et  combien  que  en  icelle  maison  fut  tout  le  bien  dudict  feu 
Gaspard  qui  depuis  est  décéddé  incommodé  et  a  laissé  lesdicts  supplians 
ses  enfans  et  hoirs  engagez  de  debtes  à  cause  de  rincommodilé  par  luy 
reçeue  de  la  prisée  et  démolition  dicelle  maison,  après  plusieurs  lon- 
gues poursuittes  à  grandz  fraiz  faites  par  lesdicts  héritiers  pour  en  avoir 
payement,  ils  nous  ont  très  humblement  supplié  et  requis  avoir  pitié 
d'eulx  et  les  faire  payer  de  ladicte  maison  pour  les  secourir  en  la  néces- 
sité en  laquelle  ils  sont  délenuz;  i-oru  cns  causks,  ayant  faict  veoir  en 
nostre  conseil  lesdictes  lettres  patantes,  les  rapportz  et  appréciations 
dicelle  maison  avec  la  délivrance  des  clefz  dicelle  faicle  par  ledict 
déffunct Gaspard  à  noz  ofriciers,par  ordonnance  dudict  seigneur  de  Bi- 
rague, et  aUltres  pièces  cy  attachées  soubz  notre  contrescel,  de  Tadvis 
de  notre  dict  conseil  et  pour  pourveoir  auxdicts  suppliants  et  leff  relever 


GASPARD    DUIFFOmOUGART  i)J 

dédommages,  avons  constitué  et  assigné,  constituons  et  assignons  par 
CCS  présentes  auxdicts  héritiers  dudict  feu  Gaspard  DuifToprougard  la 
somme  de  quatre  cent  soixante  deux  livres  cinq  solz  cinq  deniers  tour- 
nois de  rente  annuelle  et  perpétuelle,  qui  est  à  i-aison  de  cinq  pour 
cens,  jusques  à  ce  qu'ilz  ayent  par  nous  esté  payez  et  remboursez  de 
ladicte  somme  de  neuf  mille  deux  cents  quarante-cinq  livres  quatoi'ze 
solz  quatre  deniers  tournois,  et  icelle  avoir  et  prendre  par  leurs  sim- 
ples quictances  sur  les  deniers  tant  ordinaires  que  extraordinaires  de 
nostre  recepte  généralle  de  Lyon  et  commancer  du  premier  jour  de  jan- 
vier prochain  et  continuer  dorésnavant  de  quartier  en  quartier  le  paye- 
ment de  ladicte  rente  jusques  audict  remboursement  desdicts  neuf 
mil  deux  cens  quarante  cinq  livres  quatorze  solz  quatre  deniers  tour- 
nois, moyennant  lequel  remboursement  ladicte  rente  demeurera  éteinste 
et  rachaptée  ;  si  donnons  en  mandement  à  noz  amez  et  féaulx  les  gens 
de  nos  comptes  à  Paris  et  trésoriers  de  nostre  épargne  et  aux  trésoriers 
de  France  et  général  de  nos  finances  audict  Lyon  que  ces  présentes  ils 
vériffient  et  fassent  enregistrer  en  registres  tant  de  nostre  dicte  cham- 
bre des  comptes  que  desdictes  trésorerie  et  généralité  et  du  contenu 
en  icelle  joyr  et  user  les  héritiers  dudict  feu  Gaspard  Duilfoprougard  leurs 
successeurs  et  ayans  cause  plainement  et  paisiblement  sans  permettre  que 
aucun  empeschement  leur  soit  mis  ne  donné  au  contraire,  mandons  en 
oultre  auxdicts  trésorierde  nostre  épargne,  trésorier  de  France  et  général 
de  noz  finances  audict  Lyon  et  a  chacun  deulx  que  par  les  trésoriers 
generaulx  de  noz  finances  establys  audict  Lyon  et  des  deniers  tant 
ordinaires  que  extraordinaires  de  leurs  charges,  ils  faccnt  payer,  bailler 
et  délivrer  comptant  dorésnavant  chacun  an  et  par  quartier  auxdicts 
héritiers  dudict  feu  Gaspard  DuifToprougard  la  somme  de  quatre 
cens  soixante  deux  livres  cinq  solz  deux  deniers  tournois  de  rentes 
et  laisser  fondz  auxdicts  trésoriers  généraulx  pour  l'acquicter  et  rap- 
portant par  lesdicts  receveurs  généraulx  respectivement  le  vidimus 
des  présentes  pour  une  foys  tant  seulement  avec  quiclance  desdicts 
héritiers  leurs  successeurs  et  ayans  cause  sur  ce  suffisante,  voulons 
tout  ce  que  leur  aura  esté  sur  ce  payé  estre  passé  et  alloué  en  la  des- 
pense de  leurs  comptes  et  rabbatue  de  leur  recepte  par  lesdicts  gens 
de  nos  comptes  ausquelz  ordonnons  ainsi  le  faire  sans  difficulté,  car 
tel  est  nostre  plaisir,  nonobstant  quelzconques  ordonnances  anciennes 
et  modernes  faictes  sur  le  faict  de  nos  finances  auxquelles  et  aux 
dérogatoire  des   dérogatoires  y  contenues,  Nous  avons  dérogé  et  déro- 


(>S  LKS    LUTHIF.IîS    J.Y  îNNAIS    .\V    XXi"    SIÈCLE 

<(cons  à  quelconques  ordoniianses,  mandenienls,  dérrenccs  et  leltrcs  à 
ce  contraires,  en  tesmoinj^^  de  ce  )ious  avons  faicl  mettre  notre  scel  à 
ces  dictes  présentes. 

Donné  à  Amboyse  le  xvi°  jourde  décembre  lan  de  grâce  mil  cinq 
cens  soixante  onze  et  de  noslre  règne  le  douzième,  ainsi  signé  sur  le 
reply  par  le  roi  en  son  conseil.  Dolu;  et  a  coslé  registre  on  la  chambre 
des  comptes,  oy  sur  ce  le  procureur  général  du  roy  pour  jouir  par  les 
impétrans  de  lellcct  et  contenu  eu  icelles  le  xiv''  jour  de  niay  lan  mil 
cinq  cent  soixante  douze,  signé  Dave,  et  au  dos  est  escripl  enregistré 
sur  registre  du  conlrerolle  trènéral  des  finances  à  Paris  le  deuxiesme 
jour  de  septembre  mil  cin({  cens  soixante  douze,  signé  Marillac  et 
scellées  du  grand  scel  de  cire  jaune  sur  doul)le  queue  pendant. 

Collalionné  à  loriginal  exhibé  par  noble  Jacques  Daveyne,  conseiller 
du  roy  et  trésorier  général  de  France  à  Lyon  a  liiistant  rendu  par  nous 
notaires  tabellions   royaulx  soubzsignés  ce   xxn^  janvier  i586. 

Sif/né  :  DoRLiN,        Du.mont. 
(Archives  de  la  ville  de  Lyon,  EE,  Ghappe  4,  ""  i8,  pièce  i). 


II 

Donation  pour  Ju II ien  Viard,  par  Jehan  Diiifoprocart. 


A  tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  nous,  garde  du 
scel  commung  royal  estably  aux  contractz  es  bailliage  de  Mascon  et 
seneschaussée  de  Lyon,  scavoir  faisons  que  par  devant  Anthoine  Ber- 
nard, notaire  tabellion  royal  dessoulzsigné  et  en  la  présence  des  tes- 
moings  après  nommez  fust  présent  Jehan  Duil'oprocard,  faiseur  de  lutz, 
demeurant  audict  Lyon,  fds  et  cohéritier  par  bénéfice  d'inventaire  de 
feu  M^  Gaspard  Duifoprocard,  quand  vivoit  aussi  faiseur  de  lutz  demeu- 
rant audict  Lyon,  lequel  en  considéracion  des  bons  et  agréables  plaisirs 
et  services  à  lui  faictz  par  honneste  personne  M*^  Jullien  \^iard,  garde  et 
munitionnaire  de  la  ville  dudict  Lyon  et  quil  espère  quil  luy  fera  par 
cy  après,  de  la  preuve  desquels  icelluy  Duifoprocard  la  relevé  et  rel- 
lève  par  ces  présentes,  a  cestc  cause  icelluy  Duifoprocard,  donateur 
de  son  bon  gré  et  boiine  vollonté  pour  luy  et  lc3  siens  quelsconqucs. 


GASPARD    DUIFFOPROUGARÏ  Qq 

a  donné  et  donne  par  ces  présentes,  par  donacion  pure  simple  et  irré- 
vocable faicle  entre  vifz  du  présent  et  a  tousjours  vallable  audict 
M®  Jullien  Viard,  présent  et  acceptant  et  le  remerciant,  pour  luy  et  les 
siens  quelconques,  assavoir  la  part  pourtion  de  tous  les  droictz,  noms 
et  actions  que  ledict  donateur  a  et  peult  avoir  sur  une  terre  ou  her- 
maige  *  ou  soulloit  estre  une  maison,  court  et  jardin  audict  feu  Gas- 
pard appartenant^  size  audict  Lyon  près  la  closture  ou  soulloit  estre 
ladicte  citadelle  contenant  la  semaille  de  demy  bicherée  ou  envyron, 
joignant  la  ceinture  de  la  citadelle  dudict  Lyon  de  bize,  jouxte  ladicte 
rue'desoir,  une  petite ruellequi  estoit  sur  le  devant  dudict  fonds  entre 
les  Cappons  et  les  Baronatz  de  matin,  la  maison  de  Monsieur  Dupéi-estz 
de  vent,  saufz  de  ladicte  terre  ses  aultres  plus  vrais  et  légitimes  con- 
fins avec  les  fonds,  fruictz,  entrées,  yssues  et  appartenances  quelcon- 
ques dicelle  portion,  de  laquelle  et  de  ses  dictes  appartenances  ledict 
donateur  faict  au  prouffît  dudict  donataire  et  des  siens  les  devestiture, 
investiture,  translation  de  droict,  constitution  de  précaire,  donation  de 
prévalue  et  aultres  choses  requises  et  à  ces  fins  ledict  donateur  a  faictz 
et  constitué  ses  procureurs  irrévocables  le  pourteur  des  présentes, 
pour  comparoir  pardevant  tous  juges  qu'il  appartiendra  et  illec  deman- 
der et  requérir  linsinuacion  et  registraturc  des  présentes  et  faire  toutes 
actes  que  au  cas  appartiendra,  promectant  obligeant  et  soubzmettant 
pour  ce  par  serment  ledict  donateur  pour  lobservacion  du  contenu  en 
ces  présentes  tous  et  chacun  ses  biens  quelconques  à  toutes  cours 
royalles  et  aultres  audict  Lyon  et  ailleurs  establyes,  et  a  renoncé  et 
renonce  à  tous  droicts  contraires  aux  présentes,  et  mesmement  au  droit 
disant  généralle  renonciacion  non  valloir  si  la  spéciale  ne  précède  ;  en 
tesmoing  desquelles  choses,  nous  garde  susdict  avons  faict  mettre  et 
apposer  à  cesdictcs  présentes  le  scel  royal. 

Passé  à  Lyon  en  la  bouticque  du  notaire  royal  soubzsigné  le  deuxiesme 
jour  doctobre  lan  mil  cinq  cent  quatre  vingtz  et  cinq,  présents  à  ce  les 
tesmoings  soubzsignéz  M*  Marcelin  Cerat,  Maurice  Torret,  Jehan 
Gotsch,  clercz  demeuranz  audict  Lyon  et  les  dictes  parties  ont  signé 
la  cedule  et  expédié  au  proulTict  dudict  sieur  Viard  et  des  siens  quelz- 
conques. 

Signé  :         Viard,       Torret,       Gérât,       Jehan  Duiffoprougart, 

Bernard,  Gotsch. 

*  Terrain  inculte. 

'  Ge  mot  est  rayé  dans  l'acte  notarié  original. 

H.  c.  S 


70  LES    LUTHIERS    LYONNAIS    AU    XVl"    SIECLE 

Insinué  et  registre  la  présente  donacioa  au  soixante  dix  neufviesme 
volume  des  registres  et  des  insinuacions  de  la  sénéchaussée  et  siège 
présidial  de  Lyon,  ce  requérant  M*  Arnaud  Faury,  procureur  pour  le- 
dict  M*  Jullien  Viard,  donataire  susdit,  pour  lui  servir  et  es  siens 
suivant  l'ordonnance  ce  que  de  raison  dont  a  esté  octroyé  acte  le  cin- 
quiesme  jour  de  novembre  lan  mil  cinq  cent  quatre  vingtz  et  cinq. 

(Archives  de  la  Chambre  des  notaires  de  Lyon  :  registre  intitulé 
K  Papier  de  tous  les  contractz  et  actes  receus  par  M.  Anthoine  Bernard, 
notaire  et  tabellion  royal,  despuis  le  commencement  de  Tannée  mil  cinq 
cent  quatre  vingts  cinq  et  jusques  au  moys  de  novembre  ensuyvant  » 
fol.  610.  —  Archives  départementales  du  Bhône,B,  registres  des  insi- 
nuations, vol.  77). 


LISTE  CHRONOLOGIQUE 

des    LnthlerM   lyonnaU   du   XVl"    «lècle 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


LISTE  CHRONOLOGIQUE 

des»   Iiiitlil4*i*«i  lyonnais  du  1L¥1"  fiilècle 


Nicolas  Bontemps  (...  1007  —  i5i7  ...). 
Honoré  de  Lœuvre  (...  i523  —  y  vers  i55o). 
Mathelin  de  La  Noue  (...  1 523  —  7  avant  i555). 
Luc  Gentil  (...  i545  —  i552  ...). 
Gaspard  DuiU'opruucurl  (i5i4  —  y  iSjo). 
Toussaint  Faurc  (...  i555  —  -\-  avant  i564). 
Benoît  Lejeuno  (...  i557  ...), 
Philippe  Flac  {...  1067  —  i5y'ii  ...). 
Jean  Helmer  (...  i568  —  1572). 
André  Vinatte  (...  i568  —  j  1572). 

Simon  (...  i568  —  1573  ...). 

Pierre  Le  Camus  (...  1073  —  1575  ...). 
Nicolas  Juli  (...  1573  —  1575  .... 
François  Furet  (...  i583...). 
Jean  Duifroproucait  (...  i585  ,..). 


TABLE   ALPHABÉTIQUE 


Agnin  (Claude) 29 

Aix-la-Chapelle  .     .     .     .     35,36 

Aux  (Benoît) 24 

Allemand    ou    Laleman  (Gas- 
pard)    V.      DuilToproucart 

(Gaspard) 23,26 

Amati  (André)     ....     55,59 

Amati  (Les) 8,55 

Amboise 3o,68 

Aneau  (Barthélémy)     ...      19 

Anvers 60,61 

Appian  Denewitz  bibl.     .     .      i5 

Archiluth .45 

Augsbourg 82 

AuTRiciiE-EsTE    (Archiduc 
François-Ferdinand  d')     44.45 

Baldin  (Clémenl)  bibl.  .      19 

Barge  (Lionel  de).  ...  49 
Baron  (Ernst-Gottlieb)  bibl .  1 3 ,  44 
Baronnat  (Geoffroy)     .     .     .     24 

Baronnat  (Les) 69 

Basse  de  viole  .  .  34,37,39,40,41 
Berenzi    bibl 60 


Berlin 44 

Berlioz Sy 

Bernard  (Antoine)  .      ,     68,69.70 

Bernhardt  (C.B. )hih\.     .     .  11 

BertoIoUi  f A.)  hih].      .     .     .  34 
Bertolotti  (Gaspar  di)  v,  Da 

Salo, 

BiRAGUE  (Président  de).      .     .  66 


10,  i3. 


28 
33,35 

47 
53 


BizoT    (Ennemond) 
Bologne     . 
BoNTEMPs  (Nicolas). 
Bourges  (Clémence  de). 
BouzEY  (De),  voir  Wœii'iot 

Brescia 

Bruxelles  ....    36,87,39,60 
Burhnre (Léon  de)  bibl.   .     .     60 


Calvin    (Jean)     . 
Canale   bibl  . 
Cappom   (Les) 
Carloix    bibl. 
Castil-Blaze  bibl. 
Cer.\t  (Marcelin) 
Chanot  (Ilumbert) 


34 

2 1 
1 1 

3i 


76 


Ghanot,  luthier  de  Londres.  .  35 
Chanot,  luthier  de  Paris.  .  /jo 
Chardon  (Gabriel)  ....  ao 
Chardon,  luth,  de  Paris,  89,40,41 
Charles  IX    .     .     27,29,30,55,56 

Charles-Quint 53 

Chilarrone 44,1^ 

Choron  et  Fayolle,  bibl.  .  .  9 
Chouquet,  bibl.  .  .  i4,i"»,.'io 
Ghristofle    (Jean-Pierre).     .     49 

Constance 32 

Cornet 5o 

Cruche iB 

Da  Salo  (Gaspar)    .     .     .       8,55 

Dave 68 

Daveyne  (Jacques).  .  .  .68 
Defaubrocard  ouDufobrugard 

(Marguerite)  ....  27,30 
Des    Periers   (Bonaventure), 

bibl 54 

Desvernay  (Félix)  h'ihl.  .  .  20 
DiFFENPLUGAR  (Gaspard)     .     .     21 

DoLu 68 

DoLY  (Valois) 24, 3o 

DoNALDSON  (Sir  George)     .     .     44 

Donauwerth 43 

DoRLIN 68 

Droin  (Tristan) 24 

Dubois  (Michel) 24 

DuiFForRoucART ,      Duifîopro- 

card  ou  Duifoprocard  (Jean 

ou  Jehan)  .  .  81,42,43,68,69 
DuiFFOPRoucART      (Gaspard) , 

passim  et  surtout  de  8  à  /i3 
Variantes  : 

TielTenbrucker    (Gaspard).       9 

Duifïoprugcar  (Gaspard  ou 


TABLE    ALPHABETIQUE 

Caspar) 


9,10, 1 1 ,18,17. 
22, 36, il 
Duitîobrocar  (Gaspard).      ,      2  3 
DuifToprougar       — 
Dubrocard  — 

Brocard  — 

Dufourbourcar  — 
Duyfautbocard  — 
Dielfenbruger  (Gaspard  et 


Caspar) 


29 


Dutfonbocguard  (Gaspard) 
Difîobrical  — 

DilFobricard                 —  » 

Desfobrical                  —  » 

Dufobrugard               —  3o 

DuilTopruggar             —  36 
Duilîoprougard           —      65,67 

Duifoprocard              —  68 

DLîIFFOPRUGCAR(Uldrich).    .       .  i3 

DUMONT 68 

DuPERETZ 69 

Duplessis  hih\ 21 

DuPORT 87 

Edimbourg 61 

Elisabeth,  reine  d'Angleterre.  61 

Epinette 47,53,57 

Erculei   bibl 48 

Faure  (Toussaint)    .     .      .     .  5o 

F.vuRY  (Arnaud) 70 

Favolle,  V.  Choron. 

Ferrare  (Cardinal  de) ...  58 

Féiis  bibl 10,11,86 

Finocchietti    bibl  ,       .     .     .  48 
Firmin  -  Didot     (Ambroise), 

bibl. 17 

Flac    (Philippe).     .     .     48,49,34 


TABLE    ALPHABETIQUE 


77 


Flûte 49 

Flûte  d'Allemagne.     .     .     •     Sy 

Flûte  de  Pan 38 

FoRSTER  V.  Sandys. 

Francalucgi -55 

Franchomme 37 

François  P'',  10,1 3, 26, 3 3, 35, 55^50 
Freising  ou  Fressin.     .     .     25,32 

Frev    (Hans) 61 

Furet  (François)     .     .     .     .     5i 

Gallay  (Jules)  bibl.     ...      12 
Gardillar  (Claude).     .     .     .     24 

Gentil    (Luc) 5o,52 

Gerher  (Ernst-Ludwig)  h\h\.     9, 

l4,22 

Gerle    (Conrad) 61 

Gerle  (Hans) 61 

Gevaert  (F. -a.) 36 

Gigue 17 

Gigue  polonaise 61 

GiRAUD  (J.-B.) 4i 

GoNZAGCE  (Les) 34 

GoTscu  (Jean) 69 

Grosset   (Rolin)      ....  29 

Grove  hih\ i5 

GuiLLET  (Pernette  du).     .     .  53 
Guitare  ou  guiferne     16, 48, 54, 55 


Hajdecki  (A.) 
Harpe  .     .     .     . 
Harpe-sistre  . 
Hart    (G.)    bibl. 


.  36,46,61 
.  16,54,57 
.  .  .  45 
14,37,55,59 


Hartung  (Michel) 44 

HELMER(Carl) 52 

Helmer  (Jean) 48 

HenriII 25,53,58 

Henri   HI 3o 


Henri  IV 3o 

Hillemacher 4! 

HOCHBRUCKER     (Lcs).        ...        43 

Homeau  (Barbe) 28 

Hume    (Richard) 61 

Jacguot  (Albert)  hihl.      14,17,  »5, 

20,26 

JuLi  (Nicolas) 5i,6i 

Kieseweter   bibl.  .     .      i4,36 

Labè  (Louise).  .  .  .  18, 20, 53 
Lahorde  (Marquis  Léon   de) 

bibl 33 

La  Noue  (Mathelin  ou  Mathieu 

de) 5o,52 

Lasalle  (Jacqueline)  .  .  .  5i 
Le  Camus  (Pierre).  .  .  .  49 
Lejeune  (Benoît).      .     .     .     24,47 

LÉON  X 10 

Léonard  DE  Vinci 35 

Lèvres  (Pierre  de),  voirLoEUVRE. 
Lilius   Gregorius   bibl.     .      .      19 

Livi  (G.)  hihl 8,60 

LoBKowiTz  (Pi'ince  Maurice).  4f 
Loeuvre   (Honoré    de).     .     47,52 

Londres 35,36 

Lucerne 21. 32, 43 

Luth  .     16,38,40,44,45,48,49,53, 

56,57.68 
Lyon,  passim. 

Lyra  du  braccio 36 

Lyra  di  Gamba.     .     .     .     •     45 

Maçon 68 

Mahillon  (V.) 36,39 

Mandole 44 

Manicordion 47,  53 

6 


y8  TABLE    AI 

Mantoue 8,33 

Marchand  (François)    .      ,      .     5o 

Marillac 68 

Médigis  (Catherine  de).      .    53,  58 

Médicis  (Les) Gi 

Meertz 35,36 

Meiningen 32 

Mendel   (Hermann)    bibl.      12,22 

Michel- Ange 4i 

MoLiNiER  (E.) 42 

Modène 44 

MoNDiDiER  (Etienne  de).      .     .     24 

Mons 10 

MoNTENAY  (Georgelte  de).  .  18 
MoNTEVERDE   (Glaudio).      .     57,60 

MoNTMARTIN  (De) 29 

MOREL  DE  VOLEINE       ....        38 

Mostar 36 

Munich 25 

Mùntz  (E.)    bibl 60 

Neufchâteau 18 

Neusiedler  (Hans).  .  .  .  6i 
Nieclerheitmann  (F .)  bibl.      i5,35 

40 

Nordlingen 3  2 

NosTRADAMUs  (MicHel).  .  18,22 
Nuremberg     ....      14, 32, 61 

Orléans  (Duc  d")      ....     33 

Padoue 45,46 

Palestrina 60 

Paris  .  .  .  10,11,34,39,40,41 
Pavalier  (Claudine).  .  .  .  5o 
Pavalier  (Jeanne)  .  .  .  .  5o 
Pelletier  du  Mans  hih\.     .     .     54 

Petit-Bernard 18 

Petitot     bibl 21 


PHA  BLTÎQUE 

P/co/e///.s  bibl i5 

Prague Sa 

Rabelais  bibl 57 

Raphaël 38 

Raoul 37,38 

Rehec 17,54,57,58 

Refuge   (De) 27 

Reissmann    bibl 12 

Ricaud  (Jean)  bibl.     .     .     48, 5o 

Riechers 36 

Rohert-Dumesnil  bibl.      .      17,20 
Roqu  efo  r  i-F  lamericourt 
(Jean  -  Raptiste -  Ronaven- 
ture)  bibl.    9,10,1  i,i4,33,34,4i 

46 
Roville  (Guillaume)   bibl.     .     58 

Roy    (Jacques) 29 

Rubys  (Claude    de)  bibl.     .     53 
Rûhlmann  (Richard)  bibl.      1 4/i5 

Sacchi  (Federico)  bibl.     .     .     56 
Saint-Pétersbourg    ....     36 

Saint-Rémy 22 

Salzbourg 2  5 

Saquebute 57 

Sandys    et    Forsier    bibl.      12,61 

Saxe  (Roi  de) 45 

Schebek  (E.)    bibl.     .     .     .     4o 

Simon 49 

Sistre 17,54 

Stoss    (Martin) 45 

Stradivari  (Antoine).   .      11,37,58 
Sully    ........      3o 

Tachon 49 

Théorbe 45 

Théorhe  romain.     .     .     .     44,46 


TABLE 

TiiîFFiîNBRÛCKER  (Gaspard),  v. 
Duiffoproucart  (Gaspard). 

TiEFFENBRÛcKER  OU  Ticfem- 
brûcker  (Leonardus).    44,45 

TiEFFENBRÛCKER ,  Diefl'opru- 
char,  Dieffenbruger,  Tieffo- 
pruchar  ou  TielToprucar 
(Maguus)    ....     44,45 

TiEFFENBRUCKER ou  Tielïcnbru- 
ker  (Vendelinus).     .     44,45 

ToRRET  (Maurice)     .... 

ToucHARD    (Henry) .... 

Triboulet 

Trombone,  voir  saquehute. 

Trompette 

Ulm 

^^\ELBECKE  (Lewis  ou  Lode- 
wyk  van) 

Vaziers    (De) 

A'enere  (Vendelino,  Vendelio 
ou  Benn   Dellio).     .     44,45. 

Venise 44,45, 

ViARD  (Jullien)   .     .     81,68,69 


ALPHABÉTIQUE 


79 


,46 


,46 

,46 
69 

29 
36 

49 

32 

60 
40 

46 
46 


^^IARD  (Nicolas) 3i 

Vidal  {Antoine)   bibl.      I2,i3,i5, 

34,37,40,41,55 

Vh'Illeville  (Maréchal  de).     .     21 

Vienne 44,45 

VixATTE  (André).     .     47, 48, 5o, Si 
Viole  .     .      16,39.47,48,56,57,58 

Viole  d'amour 17 

Violon.      7,16,35,36,37,40,41,54, 
55,56,57,58,59,60,61,62 

Violoncelle ^7,39 

^^OLET   (Jacque.'-) 24 

VunxAUME  (J.-B.)     .      .      .     34,37 

Wagner  (Major  von)     ...       9 
Wasielewski     (Joseph-  Wil- 

hemvonjhih].      12,  i3, 14,26,36 

WoEiRioT    (Pierre).       io,i2,i3,i5, 

17, 18,19,20,21,22,27,36,40,43, 

52,54,59 

YoussoLPOw(Le  prince)     12,36,37 

Zacharie  (Benoît) 28 


Lyon.  —  Imp  Pitii*,t  Ainr,  A.  Rey  Successeur,  4,  rus  Gentil.  —    5607